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Pigastel, CHU -13 Juin – 05H26



           Il  régnait  au  sein  du  Centre  Hospitalier  Universitaire  un  désordre
        indescriptible. L’afflux massif des premières heures s’était transformé en une
        véritable marée humaine compacte dans laquelle chacun était pressé les uns
        contre les autres au risque, à chaque instant, d’étouffer les enfants en grand
        nombre. Ceux-ci pleuraient, gémissaient, hurlaient aux côtés de leurs parents
        impuissants. Plusieurs bousculades s’étaient déjà transformées en batailles de
        rues dans lesquelles les pères se battaient pour défendre bec et ongles leur
        progéniture en tentant de préserver leur maigre territoire et on distinguait les
        premières larmes de sang sur des arcades sourcilières béantes ou des lèvres
        fendues.  Très  rapidement  pourtant  le  Directeur  avait  fait  appel  au
        Commissariat local pour tenter de maintenir un semblant d’ordre mais très vite
        les  quelques  policiers  arrivés  sur  place  s’étaient  retrouvés  totalement
        débordés par une situation qui ne faisait qu’empirer au fil des minutes. Ceux-
        ci en désespoir de cause s’étaient convaincus qu’ils n’avaient d’autre solution
        que d’employer les grands moyens. Du moins ceux à leur disposition dans une
        situation qui aurait relevé normalement de la compétence des Compagnies
        Républicaines de Sécurité ou des Gardes mobiles. Les matraques ainsi avaient
        plu comme lors d’un orage d’été sans toutefois qu’ils ne parviennent à prendre
        pied face à la foule immense. Un jeune policier, en léger retrait par rapport à
        ses  collègues,  nouvellement  papa,  versa  inconsciemment  une  larme  en
        distinguant de jeunes enfants et parfois des bébés en bas âge qui auraient pu
        être le sien. Il lâcha sa matraque qui pendait mollement le long de son bras
        droit et s’écroula sur le sol à cette vision apocalyptique. Dans son malaise qui
        dura plusieurs minutes ses pensées se tournèrent vers l’image de ces mères
        enfermées dans des chambres à gaz de sinistre mémoire durant la seconde
        guerre mondiale, impuissantes face à la barbarie humaine.
           En  dehors  de  ce  chaos  effroyable  il  régnait  en  outre  une  odeur  quasi
        insoutenable. De nombreuses personnes avaient vomi, la plupart du temps sur
        son voisin le plus proche devant l’impossibilité de trouver le plus petit espace
        sur  le  sol.  Le  hall  d’accueil  de  l’hôpital  ressemblait  plus  désormais  à  un

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