Page 15 - ANGOISSE
P. 15
Pigastel, CHU -13 Juin – 05H26
Il régnait au sein du Centre Hospitalier Universitaire un désordre
indescriptible. L’afflux massif des premières heures s’était transformé en une
véritable marée humaine compacte dans laquelle chacun était pressé les uns
contre les autres au risque, à chaque instant, d’étouffer les enfants en grand
nombre. Ceux-ci pleuraient, gémissaient, hurlaient aux côtés de leurs parents
impuissants. Plusieurs bousculades s’étaient déjà transformées en batailles de
rues dans lesquelles les pères se battaient pour défendre bec et ongles leur
progéniture en tentant de préserver leur maigre territoire et on distinguait les
premières larmes de sang sur des arcades sourcilières béantes ou des lèvres
fendues. Très rapidement pourtant le Directeur avait fait appel au
Commissariat local pour tenter de maintenir un semblant d’ordre mais très vite
les quelques policiers arrivés sur place s’étaient retrouvés totalement
débordés par une situation qui ne faisait qu’empirer au fil des minutes. Ceux-
ci en désespoir de cause s’étaient convaincus qu’ils n’avaient d’autre solution
que d’employer les grands moyens. Du moins ceux à leur disposition dans une
situation qui aurait relevé normalement de la compétence des Compagnies
Républicaines de Sécurité ou des Gardes mobiles. Les matraques ainsi avaient
plu comme lors d’un orage d’été sans toutefois qu’ils ne parviennent à prendre
pied face à la foule immense. Un jeune policier, en léger retrait par rapport à
ses collègues, nouvellement papa, versa inconsciemment une larme en
distinguant de jeunes enfants et parfois des bébés en bas âge qui auraient pu
être le sien. Il lâcha sa matraque qui pendait mollement le long de son bras
droit et s’écroula sur le sol à cette vision apocalyptique. Dans son malaise qui
dura plusieurs minutes ses pensées se tournèrent vers l’image de ces mères
enfermées dans des chambres à gaz de sinistre mémoire durant la seconde
guerre mondiale, impuissantes face à la barbarie humaine.
En dehors de ce chaos effroyable il régnait en outre une odeur quasi
insoutenable. De nombreuses personnes avaient vomi, la plupart du temps sur
son voisin le plus proche devant l’impossibilité de trouver le plus petit espace
sur le sol. Le hall d’accueil de l’hôpital ressemblait plus désormais à un
15