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Paris, Direction Générale de la Santé – 13 Juin – 6h48
On pouvait désormais parfaitement distinguer de larges zébrures
rougeâtres sur le front du Directeur Général de la Santé. La situation allait de
mal en pis et chaque minute qui passait apportait son lot de mauvaises
nouvelles. A l’agacement manifeste et manifesté de son ministre de tutelle qui
ne comprenait pas qu’une telle situation ne puisse pas être canalisée,
organisée par l’ensemble de ses services, venait s’adjoindre la longue litanie
des rapports verbaux que ses collaborateurs devaient venir lui faire toutes les
vingt minutes. A chaque fois il espérait avoir enfin de bonnes nouvelles. Du
moins des informations plus encourageantes que les précédentes qui puissent
permettre d’entrevoir un soupçon de lumière dans ce qui était devenu le noir
absolu. Mais rien de tel ne s’était encore produit. La carte géographique qu’il
avait demandé d’établir afin d’identifier les foyers principaux d’infection était
maintenant remplie, maculée de têtes d’épingles de toutes les couleurs. Seules
quelques zones, le plus souvent situées dans des parcs naturels régionaux,
n’étaient pas encore épinglées. Mais cela ne devrait plus tarder pensa le
Directeur avec un certain fatalisme tant cette crise majeure semblait
totalement lui échapper. Le seul élément vaguement positif si l’on voulait bien
le considérer comme tel dans son esprit était le fait que quelques minutes plus
tôt, le ministre en personne lui avait indiqué que cette crise sanitaire majeure
ne touchait pas simplement la France mais au moins une bonne vingtaine de
pays de l’union européenne. Avec la même incapacité pour les responsables
de chaque nation de gérer les débordements d’humains en quête de se
procurer des médicaments censés les soigner ou l’espéraient-ils, au moins les
soulager. Une maigre satisfaction pour le Directeur mais une satisfaction tout
de même dans le sens où s’il y avait eu une faute ou une défaillance de
commise au sein des services de santé, il n’était pas seul à la partager.
En ce qui concernait le bilan en termes de pertes en vies humaines, celui-ci
ne faisait que s’accroître à une vitesse qui lui paraissait vertigineuse. Pour ne
pas dire totalement démente. Le compteur s’affolait en dénombrant un mort
environ toutes les cinq minutes. Au début de la crise qui lui paraissait déjà bien
lointaine tant les événements s’enchaînaient à une vitesse effroyable, c’était
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