Page 18 - Tueuse d'Alpha - Vindicta
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devait être grande et il ne serait guère étonnant qu’il ait déjà imaginé
          maintes façons de nous dévorer dans la plus atroce des douleurs.
            Je  me  tournai  vers  Cinthya ;  toujours  garder  un  contact  visuel
          régulier. Elle qui possédait un rayonnement naturel, les traits de son
          joli minois étaient tirés à l’instar de sa chevelure flamboyante, attachée
          en une tresse bien serrée sur son crâne. De petites taches de rousseur
          parsemaient sa peau aussi blanche que la neige, soulignant le vert
          pétillant de ses yeux. Dès notre première rencontre, elle m’avait fait
          penser à une poupée de porcelaine qu’on garderait précieusement, de
          peur de la casser. Or, Cinthya détenait ce feu indescriptible qui brûlait
          en elle et la poussait à partir en mission malgré son handicap ; celui
          de vivre à cent à l’heure, comme si ce jour était le dernier.
            Si une bonne humeur factice se lisait habituellement sur son
          sourire, elle était cette nuit aux abonnés absents.
            J’aurais préféré qu’elle reste dans notre chambre d’hôtel pour se
          reposer un peu. Son regard déterminé m’avait cependant retenue de
          lui faire part de cette pensée qu’elle aurait certainement mal prise.
             Cela faisait trois soirs que nous ne dormions pas, soixante-douze
          heures à courir à droite à gauche et à camper dans le froid pour des
          clopinettes. Bien que nous rêvions d’une bonne nuit de sommeil sous
          une couette douillette, de laisser, le temps de quelques heures, les bêtes
          que nous traquions jusqu’à la mort, nos yeux n’en montraient rien. Ils
          balayaient la forêt, à l’affut du moindre mouvement suspect.
            Je me levai juste un instant pour me dégourdir les jambes. Je n’en
          pouvais plus d’être accroupie sous cet arbre. Le vent souffla une
          légère brise qui apaisa mes nerfs. Les années avaient beau passer, je
          ressentais toujours le stress m’envahir lorsque j’étais accompagnée.
            À deux, nous étions plus forts qu’en un contre un, même si le
          défaut  majeur  d’un  face-à-face  se  révélait  parfois  bénéfique  et
          nécessaire. En solitaire, j’avais défié la mort. J’aimais ce sentiment
          de me tenir au bord du précipice et de sentir l’adrénaline courir dans
          mes veines. Sauf qu’en binôme, je n’avais aucune envie de voir
          venir la Grande Faucheuse.
            J’attirai l’attention de Cinthya d’un geste. Devant jouer de dis-
          crétion au cours de nos missions, nous avions développé un langage


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