Page 23 - Tueuse d'Alpha - Vindicta
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d eux
deux
Mes pas, lourds, s’enfonçaient dans l’épais manteau neigeux,
enchaînant mes chevilles comme des boulets de forçat. Fatiguée, je
marchais à l’aveugle dans un silence religieux, peinant pour lever la
jambe et avancer, un pas après l’autre. Quiconque m’aurait aperçue
aurait pensé, à juste raison, assister à l’avènement du premier zombie :
débraillée, la démarche maladroite et saccadée, le dos voûté, écrasé par
un poids invisible… Le regard vide, j’essayais d’observer droit devant
moi, mais mes yeux, eux, étaient déterminés à fixer le sol.
Les arbres se firent plus rares et les premières chaumières appa-
rurent. Dans la nuit noire, les lève-tôt éclairaient leur demeure, obligés
d’aller travailler avant les premiers rayons du soleil. De petits points
lumineux percèrent l’obscurité ambiante telles des étoiles à portée
de main.
Tout au long de ma traversée, je remerciai Dieu de n’avoir mis
personne sur mon chemin. Ma dégaine à cette heure avancée aurait
alerté les villageois et cette mission se serait terminée en garde à
vue, en prévision d’un internement psychiatrique. J’aurais alors dû
contacter mes supérieurs et je n’avais pas envie d’avoir à m’expliquer
pour le moment. Je voulais rester seule.
Le bâtiment tant attendu se montra enfin et, par chance, le récep-
tionniste n’était pas à son poste, certainement trop occupé à dormir
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