Page 24 - Tueuse d'Alpha - Vindicta
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ou à boire dans un coin, à l’abri des regards indiscrets. Je puisai
          dans mes dernières forces et gravis les marches menant jusqu’à la
          chambre d’hôtel. Le cliquetis de la clé tournant dans la serrure me
          donna un bref sentiment de sécurité, aussitôt balayé par le froid qui
          régnait sur les lieux, nos affaires éparpillées çà et là dans la pièce.
            Une fois la porte bien verrouillée, je jetai tout mon attirail sur le
          lit de Cinthya et me laissai tomber sur le mien. Je fixai un moment le
          plafond craquelé, la lumière de la lampe de chevet pour tout éclairage.
          Les minutes s’écoulèrent ainsi, indifférentes à l’ambiance.
            Ressaisis-toi, Van. Cela ne te ressemble pas, merde !
            Il fallait que je réagisse et le modus operandi était tout trouvé.
            Abandonnant la literie de mauvaise qualité, je traînai ma carcasse
          jusqu’à la salle de bains. Les vêtements alourdis par la neige tombèrent
          sur le carrelage dans un bruit sourd et je me laissai aller sous l’eau
          brûlante dont la vive morsure fit l’effet d’un cataplasme appliqué sur
          mes blessures. Elle détendit mes nerfs noués et mes muscles raidis
          par le froid. Chaque goutte glissait sur ma peau, emportant avec elle
          mes péchés.
            Rapidement, la vapeur envahit la cabine, saturant l’air. Des perles
          écarlates s’écrasaient sur le sol en PVC de la douche, entraînées dans
          le siphon.
            Une pluie de sang.
            Je revis le corps de Cinthya qui se balançait à plusieurs mètres,
          suspendu à un arbre par les pieds. La tête avait disparu et du trou
          béant s’échappait le liquide vital qui circulait encore dans ses veines
          quelques minutes plus tôt.
            Un hurlement avait franchi mes lèvres descellées, répercuté par
          les montagnes en sinistre écho. Il n’y avait plus de raison de garder
          le silence : la bête nous avait déjà trouvées. Plus aucun autre son
          ne sortit par la suite, d’innombrables sentiments ruant comme un
          cheval fou dans ma poitrine au point de l’en rendre douloureuse.
            J’étais parvenue à détacher un instant le regard de mon amie, ou de
          ce qu’il en restait, pour parcourir des yeux les cimes environnantes.
          Le monstre ne devait  pas être loin, jubilant  dans l’ombre devant
          ce  macabre  spectacle.  Sinon, pourquoi  une  telle  mise  en  scène ?


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