Page 58 - Lux in Nocte 13
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« Chopin a promu le piano au rang de la phtisie. »
« L'univers sonore : onomatopée de l'indicible, énigme déployée, infini perçu, et
insaisissable...
Lorsqu'on vient d'en éprouver la séduction, on ne forme plus que le projet de se faire
embaumer dans un soupir. »
« La musique est le refuge des âmes ulcérées par le bonheur. »
« Point de musique véritable qui ne nous fasse palper le temps. »
« L'infini actuel, non-sens pour la philosophie, est la réalité, l'essence même de la musique. »
« Si j'avais cédé aux flatteries de la musique, à ses appels, à tous les univers qu'elle a suscités
et détruits en moi, il y a longtemps que, d'orgueil, j'aurais perdu la raison. »
« L'aspiration du Nord vers un autre ciel a engendré la musique allemande, — géométrie
d'automnes, alcool de concepts, ébriété métaphysique.
A l'Italie du siècle dernier — foire de sons —, il a manqué la dimension de la nuit, l'art de
presser les ombres pour en extraire l'essence.
Il faut prendre parti pour Brahms ou pour le Soleil... »
« La musique, système d'adieux, évoque une physique dont le point de départ ne serait pas
les atomes, mais les larmes. »
« Peut-être ai-je trop misé sur la musique, peut-être n'ai-je pas pris toutes mes précautions
contre les acrobaties du sublime, contre le charlatanisme de l'ineffable... »
« Il se dégage de certains andantes de Mozart une désolation éthérée, et comme un rêve de
funérailles dans une autre vie. »
« Quand la musique même est impuissante à nous sauver, un poignard brille dans nos yeux;
plus rien ne nous soutient, si ce n'est la fascination du crime. »
« Combien j'aimerais périr par la musique, pour me punir d'avoir quelquefois douté de la
souveraineté de ses maléfices ! »
[Dans Cioran « Syllogismes de l’amertume » , « De l’inconvénient d’être né »]
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