Page 116 - La mafia des generaux-Hichem Aboud _Classical
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La mafia des généraux
En 1992, plus de cinq cents jeunes officiers ont été
mis à la retraite anticipée alors qu'ils n'avaient effectué
qu' une quinzaine d'années de service, ou à peine. La
chasse aux jeunes officiers universitaires se poursuit
encore aujourd'hui. Je citerai deux des cas les plus récents
et les plus significatifs. Celui du colonel Abdou, un ancien
collègue des services de la Sécurité militaire, et celui du
colonel Belkacem Boukhari, l'ancien procureur de la
République du tribunal militaire de Blida.
Le cercle des généraux ne pouvait être ouvert à des
officiers comme eux : universitaires, intègres et patriotes.
À force d'être marginalisé, le colonel Abdou a [mi par
demander sa radiation, sans attendre d'être renvoyé
comme un malpropre. Contestataire et doté d'une très forte
personnalité, ce n'était pas le genre d'officier qui obéit
bêtement aux ordres. Titulaire d'une licence en Histoire et
d'une licence en Lettres, maîtrisant parfaitement les
langues arabe, française et russe, cet officier, que beaucoup
de ses collègues apprécient pour ses compétences et ses
qualités humaines, ne pouvait prétendre aller au-delà du
grade de colonel. Il était réfractaire au régime de la mafia
des généraux. D'ailleurs, il a toujours exercé au niveau de
la division de la sécurité extérieure. Il ne pouvait faire par-
tie des exécutants des sales besognes.
Le colonel Boukhari Bel~acem fait partie lui aussi de
cette catégorie d'officiers qui n'ont pas leur langue dans
Ja poche. Lorsqu'il se trouvait en compagnie d'officiers
qui partageaient les mêmes convictions politiques que lui,
Boukhari ne ratait pas une occasion de vitupérer les trans-
fuges de l'armée coloniale. Lors du procès du général Ben-
loucif en 1993, convaincu que l'accusé était victime du
clan mafieux, Boukhari, représentant le Ministère public,
ne prononça pas de réquisitoire contre le général déchu.
Au grand étonnement de l'assistance, c'est une plaidoirie