Page 98 - La mafia des generaux-Hichem Aboud _Classical
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La mafia des généraux

      Alors qu'Abderrahmane Meziane Cherif, ancien
wali à Alger, reconverti dans l'affairisme après son limo-
geage, lui demandait audience depuis longtemps, Djeb-
bari ne daignait même pas lui répondre. Un jour qu'il
avait finalement promis de le recevoir, il le fit même
attendre toute une journée devant son bureau pour finale-
ment faire annoncer par la secrétaire qu'il était sorti.
Quelques semaines plus tard, Abderrahmane Meziane
Cherif était nommé ministre de l'Intérieur, devenant ainsi
le patron de Djebbari. Je vous laisse imaginer dans quel
état était notre wali. À l'annonce de la nouvelle, le
téléphone ne cessait de sonner dans mon bureau. Per~
suadé que son limogeage était imminent, Djebbari m'ap-
pela plus d'une dizaine de fois pour me demander si je

ne cormaissais pas « une casquette solide)} et si j'accep-

terais de le prendre comme correspondant de mon jour-
nal à Meskiana, sa ville natale.

      En faisant appel à des parrains, il réussit fmalement
à sauver sa tête. En contrepartie, il lui fut demandé de
fermer le siège du Libre à Sétif. Sa nomination de wali
avait coïncidé avec le lancement de mon quotidien, dont
le siège social se trouvait dans cette ville. Alors que j'étais
empêché par la mafia constantinoise d'obtenir le registre
du commerce, de nombreux citoyens de la capitale des
hauts plateaux me proposèrent de faire du Libre un journal
sétifien, par défi envers cette mafia.

      J'avais accompli toutes les démarches administra-
tives, sans en parler à Mohammed Djebbari. À la paru-
tion du premier numéro, il me fit des reproches

« amicaux» : «Pourquoi ne m'en as-tu pas parlé? Je

t'aurais aidé... Nous sommes des amis... » Ma réponse
était toute prête : « J'ai préféré te laisser à l'écart en
comptant sur le soutien de gens simples; comme ça
personne ne pourra dire que j'ai bénéficié de l'aide de
l'État ou de ses représentants. »
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