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Tradition/modernité et le discours
du cinéma africain
Jude Akudinobi
es questions d'identité et de culture qui prévalent dans le cinéma africain
L contemporain sont souvent considérées à tort comme, essentiellement,
un concours entre « tradition » et « modernité ». C'est peut-être une consé-
quence des tentatives de concevoir un paradigme critique qui « explique-
rait » les complexités de l'expérience sociale africaine contemporaine et de
la pratique cinématographique. Cependant, les réalités de l'expérience afri-
caine contemporaine ne peuvent être évaluées de manière productive sans
la révision ou l'abandon du schéma tradition/modernité.
Il est intéressant de noter que ce schéma s'est imposé dans les
« compréhensions » académiques et populaires du cinéma africain contem-
porain. En voici quelques exemples : pour Manthia Diawara, il est la base
des récits sociaux réalistes; pour Sheila Petty, il est un principe structurant;
pour Lizbeth Malkmus et Roy Armes, il est un espace conceptuel . La
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nature restrictive du schéma modernité/tradition est clairement illustrée par
l'affirmation suivante: « En Afrique, plus que partout ailleurs, modernité et
tradition semblent tellement incompatibles ». Cette affirmation qualifie
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l'Afrique d'aberrante et de récalcitrante, et est profondément ancrée dans
les mythologies racistes (dans la mesure où elle suggère qu'il y a quelque
chose d'intrinsèquement mauvais ou de quelque peu problématique chez
les peuples/cultures africains). Tout aussi important, ce schéma encourage
la consignation des institutions africaines dans un espace culturel primordial
et la bifurcation d'expériences/expressions sociales très complexes.
Labyrinthes
Malgré les développements qui se sont produits récemment dans
les arts, la culture populaire et le cinéma africains, syncrétisme culturel et
diversification des thèmes, des styles et des genres, ils doivent toujours faire
face au fait que « les dichotomies occidentales de l'esthétique et de la fonc-
tion, de la tradition et de la modernité n'ont pas facilité la compréhension
des concepts et des « réalités » indigènes ».
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