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                de moralité viable, le soutien de l'assiduité, un système de justice efficace, une
                poésie et un art frappants et mémorables  .
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                     Quoi qu'il en soit, la remarque de Terence Ranger sur les réalités
             de l'Afrique précoloniale ajoute une dimension importante à cette question.
             Selon lui:
                Ces sociétés avaient certes valorisé la coutume et la continuité, mais la coutume
                était vaguement définie et infiniment flexible. La coutume aidait à maintenir
                un sentiment d'identité, mais elle permettait aussi une adaptation si spontanée
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                et naturelle qu'elle passait souvent inaperçue [c'est moi qui souligne]  .

                Dans le cadre de ces paramètres, il n'est pas difficile de voir que :
                1) les exigences de l'Euro-modernité incluent la refonte des systèmes culturels
                africains (et la relégation des aspects plus diffus du syncrétisme culturel;
                 2) les indices du dynamisme culturel sont évidents dans les systèmes culturels
                africains, mais leur reconnaissance va à l'encontre desstructures par lesquelles
                le moi observateur (occidental) est injustement subordonné.

                     En outre, comme le souligne Gusfield, « la pratique trop courante
             qui consiste à opposer tradition et modernité comme des opposés appariés
             tend à négliger [c'est moi qui souligne] les mélanges et les mixtures que la
             réalité présente  » Il peut donc être utile, à ce stade, de souligner quelques
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             exemples de syncrétisme culturel dans les films examinés.
                     Dans Kasarmu Ce (de Saddik Balewa, 1991), il est question d'une
             élection locale à venir, un événement important qui reflète les réalités po-
             litiques contemporaines du peuple. La peinture unique sur le hayon du ca-
             mion Mercedes d'Alhaji Musa montre un cow-boy, une icône des films
             occidentaux, adopté et transformé en une expression populaire africaine
             unique. De même, lorsqu'Alhaji Musa complote pour créer une pénurie ar-
             tificielle d'engrais, en laissant entendre que le prix va augmenter dans deux
             jours, les villageois protestent en disant que c'est ce qu'ils ont entendu à la
             radio. Bien qu'un transistor soit à l'origine du déplacement culturel et pro-
             fessionnel de  Kuru  dans  La  Vie  est  Belle/Life  is  Rosy  (de  Mwezé
             Ngangura,  1987,  République  démocratique  du  Congo),  il  favorise
             également sa détermination à « jouer de la musique électrique ». Ainsi, à la
             fin du film, il  adopte  des  instruments  de  musique  occidentaux  mais
             transforme ses im- pulsions musicales en une expression non-occidentale
             unique et  manifes-  tement « moderne  ».  En  outre,  dans  Zan  Boko  (de
             Gaston  Kaboré,  1988, Burkina  Faso), le  fait que  le  fils  du fermier
             dépossédé (Tibo) fabrique une
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