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Jude Akudinobi / Tradition/Modernité                         409

                 Ainsi, M. Nganga, le devin de La Vie est Belle, est au cœur de la
         dynamique narrative du film. Nous retrouvons un Kuru somnambule, ap-
         paremment sous le charme d'une séance que M. Nganga organise pour Ka-
         bibi, l'intérêt amoureux de Kuru. Le charme est toutefois rompu un peu
         trop facilement et de façon comique lorsque la femme de l'employeur de
         Kuru lui ordonne de retourner au travail. M. Nganga devine aussi, à juste
         titre, que Kuru est un homme de ménage, et non l'homme riche et dépensier
         que Kabibi pensait. De plus, la mystérieuse maladie de Kabibi, qui suit la
         tentative de suicide de Kuru, et sa guérison ultérieure par M. Nganga,
         confirment plutôt l'idée que dans les systèmes de croyance africains :
            La maladie n'est pas conçue comme une conséquence de changements patho-
            logiques; au contraire, l'élément surnaturel est mis en relation causale avec la
            santé et la maladie  .
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                 Cette  approche holistique lui redonne la santé et l'amour. Dans
         Quartier Mozart, l'explosion inexplicable d'un verre à vin à l'intérieur est
         attribuée à la sorcellerie. Par la suite, Mad Dog, l'impérieux chef de famille,
         engage un prêtre pour exorciser la maison, une action qui, sans doute, ma-
         nifeste sa croyance en l'existence et l'efficacité de la sorcellerie. Il est inté-
         ressant de noter qu'un rapport récent indique que la persécution des sorcières
         au Cameroun a tellement diminué que « certaines d'entre elles jouissent
         désormais d'une certaine reconnaissance officielle, puisque les juges n'ont
         d'autre choix que de s'appuyer sur leur version et leur expertise, qui ont été
         établies comme des preuves concluantes  ». Une sorcière, Maman Thekla,
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         est également au centre du récit de  Quartier Mozart. Sa transformation
         d'une écolière, Reine de la Capuche, et d'elle-même en un homme (Panka)
         qui fait disparaître les organes génitaux des hommes, initie une exploration
         de la politique de genre. La construction par le film de la sorcellerie comme
         une attaque contre la masculinité a d'ailleurs son équivalent dans l'église
         chrétienne primitive:
            Il est intéressant de noter que le principal manuel de sorcellerie de l'Église, le
            Malleus Malleficarum (littéralement, le marteau des sorcières), s'intéresse de
            près à des problèmes de masculinité tels que la castration, les rapports sexuels
            pervers, la disparition des pénis et l'impuissance, des craintes névrotiques que
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            les psychologues modernes associeraient à une répression sexuelle accrue  .
                 Bien que les exemples ci-dessus n'établissent pas nécessairement
          une compréhension universaliste de la sorcellerie, on peut au moins dire
          que son importance dans le film met en évidence certains phénomènes par
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