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             JS : Exactement ! Nous pouvons le ressentir de manière plus subtile ici en Amé-
             rique, lorsque nous gâchons des opportunités de devenir une grande société.
             Il y a une certaine poésie à avoir des espaces pour exprimer cette tristesse, et
             nous le faisons métaphoriquement avec l’eau dans le film. Au début, lorsque
             les archives de Sembène sont détruites par l’humidité. L’eau devient le son de
             l’humidité qui s’érode...

             MTM : La vie dans la mort.

             SG : Oui.

             JS : Et l’eau est le son du temps qui passe en reconnaissant que nous ne faisons
             pas le travail. Cette image et le son de l’eau sont présents tout au long du film,
             et vous réalisez que le temps passe et qu’un grand homme est mort. Pour moi,
             la réponse à votre question est oui ; le ton doux-amer et mélancolique du film
             était honnête.

             MTM : Est-il juste de dire que Sembène, par son exemple, nous a appris à
             faire des films comme quelque chose de plus que du divertissement ?

            SG : Je pense que les générations qui ont suivi Sembène, Souleymane Cissé  ,
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            voire Abderrahmane Sissako  , ont été formées dans la tradition de Sem- bène.
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            Souleymane Cissé, le deuxième géant vivant du cinéma africain, a suivi les traces
            de Sembène. Le cinéaste malien Cheick Oumar Sissoko  a égale- ment suivi
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            les  traces  de  Sembène.  Sembène  était  un  pionnier  et  son  héritage  nous
            accompagne dans l’avenir.
             MTM : Pour revenir au début de cette conversation, dans l’arc de la vie de
             sembène, peut-on dire qu’à l’instar de la dialectique de ses films, une sorte de
             synthèse a été réalisée, comme dans la synthèse dépeinte par le personnage de
             sa fille dans Xala ?

             SG : Oui.
             MTM : Et, pas un homme brisé incapable de concilier ses échecs, qui observe
             dans sa propre transformation corporelle, la mémoire et la chronique de sa vie ?

             SG : J’étais sur le tournage de Moolaadé en 2004, et votre description de son
             apparence  physique  est  certainement  exacte.  Mais  je  peux  vous  dire  qu’il
             n’avait pas perdu un iota du feu dans son ventre. Il était motivé jusqu’à la der-
             nière minute. Je dirai même que le jour où sa mort a été prononcée, il mettait
             la dernière ligne à un scénario sur lequel il travaillait. Cela signifie-t-il qu’il
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