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pourquoi il était inconcevable pour un habitant du tiers-monde de s’affilier au
Parti en France.
MTM : Sembène a-t-il rompu avec le Parti sur l’Algérie ?
SG : Non, il ne l’a pas fait. Avant 1946, il n’y avait pas de parti politique afri-
cain organique ou autochtone, car ils étaient affiliés aux partis français. En
1946, le Rassemblement Démocratique Africain (RDA) a été créé à Bamako,
au Mali.
MTM : Pour Black Girl, considérez le point de vue de manthia diawara 35
sur l’importance du film. Cette déclaration est particulièrement convaincante
à mes yeux : « Sembène est arrivé au cinéma et il a inventé un nouveau langage
pour représenter les noirs. Cela commence dans Black Girl. Vous la voyez de
la manière dont elle se voit. Pour moi, cela éclaire la façon dont les personnages
peuvent incarner des personnages de positions de sujets auxquels nous, afri-
cains, pouvons nous identifier. « Est-ce là aussi une autre caractéristique de
l’héritage cinématographique de sembène au cinéma africain » qui s’auto-
identifie en résonnant avec les autres ?
SG : Ou pour poser votre question différemment : « Le même plan serait-il le
même s’il était tourné par un non-africain »?
MTM : Ou le fait d’être africain crée une auto-identification.
SG : Pour moi, Black Girl, le premier long métrage réalisé par un africain et
dont le sujet et le personnage principal est un africain, repositionne les afri-
cains de la périphérie aux protagonistes centraux de l’histoire.
MTM : Est-ce plus nuancé que cela lorsqu’il dit : « Vous la voyez de la façon
dont elle se voit ».
JS : En revanche, avant 1960, la représentation des noirs reposait sur des sté-
réotypes, comme c’était le cas pour les amérindiens et les asiatiques. L’«
autre » dans le cinéma reposait sur un concept de ce que le « Noir » devrait être
ou est. En faisant référence à Sembène, Diawara disait qu’il allait à l’en-
contre de 100 ans de stéréotypes. Ainsi, le fait même qu’une personne de cou-
leur raconte avec sensibilité l’histoire d’une autre personne de couleur était,
en soi, un moment radical dans l’histoire du cinéma. Le fait que l’histoire de
Sembène ait des résonances autobiographiques signifie également qu’il s’agit
d’une histoire personnelle. De plus, lorsqu’un africain raconte une histoire
africaine qui a une signification profonde pour lui, à ce moment précis de l’his-

