Page 582 - Livre2_NC
P. 582

Michael T. Martin, Samba Gadjigo & Jason Sylverman/ Solidarité médiatisée   573

       SG : Kwame Nkrumah .
                           25
       MTM : Dans quel sens ?

          SG : Nkrumah, à qui il rendait souvent visite, était son idole. Lorsque Nkru-
         mah est mort, Sembène a assisté aux funérailles en Guinée, et comme Nkru-
         mah, il a commencé par être marxiste, c’est certain. Nkrumah a compris,
         comme Sembène, que le panafricanisme en pratique pouvait assurer notre sur-
         vie car, après la domination coloniale, le continent africain a été reconstitué
         en micro-États. Cette compréhension clé a rendu les relations entre Sembène
         et Nkrumah très fortes. À cette époque, Sembène idolâtrait également Ahmed
         Sékou Touré, mais il s’est ensuite dissocié de Touré lorsque celui-ci a com-
         mencé à tuer des artistes. Dans cette même génération, mais de loin, Sembène
         admirait également Julius Nyerere pour avoir tenté d’établir des coopératives
         agricoles en Tanzanie. En effet, son roman de 1957, Ô Pays, Mon Beau Peuple
         ! [Portait précisément sur ce projet. Cependant, je dirais que le panafricaniste
         dont Sembène était le plus proche était Touré, mais cela n’a pas duré.

         MTM : George Padmore  ?
                                26
          SG : Padmore l’a inspiré et il y a des similitudes entre eux. Sembène et Pad-
          more étaient soutenus par le Parti communiste français et le Parti communiste
          européen. Comme Sembène savait lire et écrire, il n’a pas fallu longtemps pour
         que [le Parti communiste en France] dise : « Voilà quelqu’un que nous pouvons
          utiliser pour pénétrer les masses noires », comme ils l’ont fait avec Padmore
          en Allemagne et Lamine Senghor  . Sans Senghor et Tiemoko Garan Kouyaté
                                      27
          28  du Mali, nous ne parlerions pas de Sembène aujourd’hui parce qu’ils ont
         fait le travail de défrichage.

         MTM : Amílcar Cabral  ?
                               29
          SG : Cabral était sur le tournage d’Emitaï avec Sembène en 1971, ses soldats
          jouant le rôle de figurants. Dans le village natal de Sembène en Casamance,
          j’ai interrogé les villageois sur le tournage d’Emitaï et sur la personne qui
          l’avait inspiré. La source d’inspiration était une jeune fille infirme qui a eu
          une vision qui l’a poussée à retourner en Casamance. Là, elle a organisé les
          paysans pour qu’ils cessent de vendre leur riz aux colons blancs.

         MTM : Quelle était la relation de Sembène avec le mouvement de la négritude ?

         JS : C’est évident dans une scène de Xala [1975], pendant le discours du pré-
         sident, quand El Hadji dit « Africanité ».
   577   578   579   580   581   582   583   584   585   586   587