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Photo 13. Sembène avec le panafricaniste et auteur de renommée mondiale W.E.B. Du Bois. Capture
d'écran par l'auteur.
SG : Alors peut-être que dans la traduction d’une autre langue, on ne peut pas
transmettre une civilisation ?
MTM : Vu les limites de la traduction, peut-on dire que l’identité, la culture et
la vision du monde d’un peuple se constituent dans la langue, comme l’affirme
Gaston Kaboré, parce que la langue « apporte une spécificité à [notre] expé-
rience ».
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SG : Ce que vous dites ici est profond. J’ai passé presque 34 ans aux [États-
Unis] et je pense que je suis fonctionnel en anglais. Mais la façon dont je me
rapporte au Peulhs ou au Wolof, je n’ai jamais été capable de le faire en an-
glais.
MTM: Samba, dans le film, vous dites : « Voilà le premier livre [Les bouts de
bois de Dieu] de Sembène, un Sénégalais, qui m’apprenait justement à être
moi-même. Et pour la première fois depuis mon entrée à l’école, j’étais fier
d’être africain ». Qu’entendez-vous par « être moi-même » ?
SG : Parce que les autres textes que je lisais me transformaient en quelque
chose d’autre que je ne pourrais jamais être. Ce que je veux dire, c’est qu’en
lisant Sembène, je me suis trouvé. C’était comme si je me tenais devant un mi-
roir.

