Page 132 - LES FLEURS DE MA MEMOIRE BIS
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Pour la version parentale, cette jeune fille de bonne famille

              prétextait faire des études à Paris, afin de cacher son idylle interdite
              avec un compatriote de couleur. Pour améliorer leur quotidien, et ne
              pouvant subsister d'amour et d'eau fraîche, ils se produisaient en duo

              chaque soir, sur la scène des Folies Pigalle dans un spectacle de nus,
              auquel nous assistions parfois, et en bons jamaïcains de l'époque, la
              marijuana faisait partie de leurs habitudes. C’est chez eux également

              que je rencontrais Jean-Louis Jorge qui avait quitté son île de Saint-
              Domingue, pour s’installer à Paris afin de concrétiser ses projets de
              réalisateur cinématographique. Il se produisait également sur scène

              dans un tableau de nu aux Folies Pigalle, afin d’améliorer son
              quotidien.


                     Avec ce rythme de vie, et malgré toutes ces sorties nocturnes,
              j'arrivais à me rendre chez mon nouvel employeur, Louis Féraud,

              pleine d'énergie et de créativité.


                     Je garde le souvenir de la dernière présentation du spectacle de
              la Grande Eugène, où étant connue du personnel du cabaret, je fus
              placée à une table, et pas des moindres, puisque je me retrouvais

              entre Zizi Jeanmaire et Rudolf Noureev*, ce danseur dont on avait
              tant parlé, depuis qu’il avait quitté le Ballet du Bolchoï pour passer

              « à l’Ouest » et se produire à l’Opéra de Paris. J’en fus toute intimidée,
              mais il me mit très vite à l’aise m’offrant à plusieurs reprises une
              coupe de champagne. Il était d’une grande gentillesse en toute

              simplicité.


                     A la fin du spectacle, nous devions terminer la soirée chez un
              personnage important évoluant dans le milieu artistique, mais je
              n’allais pas profiter de cette fête grandiose hélas, puisque dans

              l’euphorie, assoiffée, j’avais confondu mon verre de coca avec le verre
              voisin, et j’avais englouti d’un seul trait un whisky coca qui me rendit
              malade, à tel point que Gérald me fit raccompagner en voiture par

              une de nos relations dont j’allais par la suite faire plus ample
              connaissance. Il s’agissait du dessinateur humoristique Pierre

              Dupuis, qui eut la gentillesse de me raccompagner chez moi et de me
              border avec délicatesse.



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