Page 128 - LES FLEURS DE MA MEMOIRE BIS
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Je rangeai ma timidité au placard et j'eus la bonne idée de

              commencer, par me rendre chez Lanvin, sans avoir pris rendez-vous.
              Le hasard me fit prendre l’ascenseur avec un certain comédien dont
              on parlait énormément, puisqu’il s’agissait d’Alain Delon qui ne

              m’impressionna absolument pas.


                     C'est le directeur artistique de la maison, Jules-François Crahaye
              qui me reçut. Cette première visite s'annonça très bien. Mon dossier
              lui plaisait, il recherchait une personne pour dessiner les silhouettes

              de la dernière collection de haute-couture en exemplaires multiples.
              En y réfléchissant bien, cela me rappela mon premier job de dactylo à
              la Lainière de Roubaix, où il fallait taper la même lettre à raison d'une

              quarantaine minimum dans la journée. Alors je refusais avec
              beaucoup de courtoisie cette proposition qui n'avait rien de créatif, et
              bien que douée en dessin, je n'avais jamais tenté l'expérience de

              dessiner des silhouettes rapidement. Il me laissa néanmoins réfléchir
              à cette proposition, à laquelle je n'allais pas donner suite.


                     Mon second choix se porta sur la maison Castillo, où le couturier
              me reçut avec beaucoup de courtoisie, mes dessins l'intéressaient et

              nous devions reparler ultérieurement d'un engagement dans cette
              maison. Mon hésitation fut favorable, puisque la maison Castillo

              ferma quelque temps plus tard.


                     Arpentant toujours le même trottoir, je m'arrêtais chez un
              troisième couturier dont on parlait beaucoup à cette époque,
              puisqu'il était l’un des pionniers du prêt-à-porter, Louis Féraud. Le

              couturier me reçut avec gentillesse et simplicité, il avait gardé une
              pointe d'accent qui sentait bon la Provence. Mon dossier lui plut
              réellement et mes dessins de tissus l'intéressaient, alors il me fit une

              proposition assez originale, puisqu'il avait également besoin d'une
              secrétaire. Finalement j'acceptais sa double proposition, sachant que
              si je ne faisais pas mes preuves en qualité de styliste, j'avais au moins

              l'opportunité d’une issue de secours par le biais du secrétariat pour
              faire mon entrée dans une maison de Haute-Couture.


                     J'étais folle de joie, et j'allais enfin faire mes premiers pas dans

              cet univers très fermé de la haute-couture parisienne.

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