Page 126 - La pratique spirituelle
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corps. Dans cette écoute sans vouloir, les énergies qui consti-
                                       *                                                 tuent la forme s’organisent. La réaction ne peut plus se main-
                                     *  *
                                                                                         tenir, tout comme la cohésion du morceau de sucre qui ne peut
            J’ai toujours cette tendance à la boulimie d’informations sur                plus se maintenir s’il est plongé dans l’eau bouillante.
            le sujet de la non-dualité. Je pense que je dois juste continuer à
            observer cela, car le fait que j’y succombe ou pas ne change pas             Dois-je me forcer à méditer, même si cela m’ouvre à des
            grand-chose... non ?                                                         angoisses ? Ou devrais-je d’abord me familiariser avec la détente
               Tu peux faire face au sentiment de manque, de vide, qui                   corporelle grâce au yoga ?
            est derrière la boulimie. On l’observe au mieux en descendant                   La méditation trouve sa source dans l’amour. Elle est une
            consciemment dans la région du plexus solaire, qui est souvent               invitation à l’adoration, à la dévotion, qui dissout les struc-
            nouée et tendue. Lorsque le corps se détend et s’apaise, l’esprit            tures dans la plénitude de l’être. Elle vous sollicite lorsqu’elle
            se dilate, et réintègre la globalité dont il émerge.                         vous sent prêt à l’abandon, nécessaire pour qu’elle puisse vous
                                                                                         prendre et vous emplir. Elle n’est pas une concentration, qui
                                       *                                                 implique une volition. Elle est silence. Le corps, aussi, se
                                     *  *
                                                                                         détend lorsqu’il est écouté. Il se distend dans l’écoute, et se
            J’ai un complexe en lien avec une partie de mon corps. J’ai peur             dissout en elle. Les représentations mentales du corps dispa-
            d’être « découvert » et de revivre des expériences de moqueries              raissent au profit des sensations, qui sont impersonnelles et
            et de rejet. Ce complexe entraîne donc chez moi une forte iden-              changeantes. Explorez donc le corps à partir de cette écoute
            tification à mon corps. Par le passé, j’ai essayé une thérapie com-          passive, non volitive, et laissez-le s’apaiser en elle. L’esprit du
            portementale cognitive. Cela n’a pas eu d’effet. Actuellement,               yoga est celui d’une parfaite passivité, alliée à une parfaite acti-
            j’en arrive à la conclusion que la seule attitude valable serait             vité. Passivité dans le vouloir, activité dans la présence. Soyez
            d’intégrer mes pensées, peurs et angoisses dans une écoute sans              cette pleine présence, qui est, sans rien vouloir.
            jugement, jusqu’à ne même plus avoir la volonté de les faire dis-
            paraître. Mon travail consisterait donc à accepter ce qui a été              Au fond de moi, je sais que je devrais me laisser inviter par la
            rejeté par d’autres ?                                                        présence. Me confirmez-vous qu’il s’agit alors de faire don de sa
               Oui, à totalement accepter votre structure corporelle et                  personne ? Un don qui serait donc sincère, complet, sans attente
            mentale. Dans cette totale acceptation, il y a distanciation,                d’une quelconque gratification ou récompense ? Si oui, est-ce
            désintérêt. Le désintérêt ne nourrit plus la réaction. Une réac-             bien la seule possibilité ?
            tion qui n’est plus nourrie s’éteint. Toute velléité d’éliminer la              Oui, un don total, sans réserve, dans lequel les résidus du
            peur appartient à la peur. Il s’agit d’un mouvement de fuite,                moi se fondent dans ce qui les contient. Toutes les autres tenta-
            qui ne mène nulle part. La contemplation silencieuse de la                   tives d’échapper à la saisie du moi lui appartiennent encore, et
            peur ne la stimule plus. Elle englobe, dans un même regard,                  sont donc vouées à l’échec. La représentation mentale de votre
            le mouvement mental qui l’a créée et la réaction secondaire du               corps n’est pas votre corps. Elle n’en est qu’une image figée,




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