Page 121 - La pratique spirituelle
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Le corps immobile, le souffle lent et régulier, la musculature et maintient une tension aussi longtemps qu’on lui donne l’in-
relâchée, la colonne vertébrale érigée, les mouvements mentaux jonction de le faire. C’est la peur qui interfère et maintient les
s’apaisent et les sensations s’organisent. Le mouvement lent, si tensions plus que nécessaires. Faites-y face, en voyant comment
nécessaire, vient mobiliser les tensions, et faciliter le nettoyage elle se construit par l’anticipation mentale, et comment elle
des mémoires qu’elles contiennent. se prolonge dans les sensations corporelles. C’est cette obser-
vation fine des mouvements mentaux et corporels qui amène
Ces simples secondes d’ancrage du corps nous amènent à une une compréhension de l’inutilité de la lutte et du maintien de
forme de joie spontanée sans cause. Diriez-vous que la lumière la saisie. Une fois que ce mécanisme est vu, vraiment vu, il
va peu à peu s’imprégner sans qu’il y ait lieu de s’inquiéter ou de peut s’effacer. Le corps trouve alors son repos, et le mental se
faire quoi que ce soit ? détend et se dissout dans la conscience sans pensée. Les soldats
C’est la même lumière qui est présente dans l’intention et rentrent à la garnison dès qu’on les invite à quitter le champ
dans la non-intention. Elle va ainsi se manifester tantôt sous de bataille.
la forme d’une écoute du corps, tantôt sous la forme d’une
observation des pensées, tantôt sous la forme d’une présence à Vous dîtes « Quand le corps est refusé… ». Par qui est-il refusé ?
la présence. Dans tous les cas, c’est le un qui ramène ses brebis Lorsque l’attention est tournée exclusivement vers les pen-
à la maison. sées et leur contenu, le corps est déserté, oublié, et se dessèche,
n’étant plus imprégné par la conscience nourricière.
*
* * En ce qui concerne « l’anticipation mentale », il est vrai que
C’est étrange de constater qu’il suffit de « voir » la contraction l’on y adhère immédiatement sans en douter une seule seconde.
corporelle pour qu’elle aille dans la bonne direction. C’est un Qu’est-ce qui, en moi, y croit si promptement ? Est-ce une réac-
mystère que la conscience de tout problème dissout tout pro- tion automatique qui ne dépend pas de moi ?
blème... Ou y a-t-il une explication logique à ceci ? Le moi est une réaction. Il est une pensée. Il appartient à
La résistance est provoquée par le refus, qui maintient une l’anticipation, car il n’existe pas dans l’instant lui-même. Il est
tension incompatible avec la détente et la résorption. Quand lui-même anticipation, indissociable de la mémoire du passé.
le corps est refusé, fui dans un mental agité, il se tend, se
contracte et se spasme. Quand il est écouté, baignant dans le Lorsque vous parlez de « détente » de la tension corporelle ainsi
bain bienveillant de la présence, il se détend, tout comme un que du mental, je comprends par ceci qu’il faut laisser le mouve-
bébé le ferait dans les bras de sa mère. Vous pouvez vérifier ment, quel qu’il soit, se faire, s’exprimer, se manifester.
par vous-même. L’expérience directe est irremplaçable. C’est C’est un parfait laisser-faire, mais éclairé par la lumière de
en effet le mental qui induit des tensions dépassant le strict l’attention. Comme si vous surveilliez des enfants jouer, sans
nécessaire, comme la tension requise pour un mouvement. Le intervenir, en n’étant qu’une présence bienveillante, mais non
corps retransmet, de manière impersonnelle, cette commande, manipulatrice.
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