Page 118 - La pratique spirituelle

l’attention vers le dehors, et en retardant d’autant le moment
où elle se retourne vers elle-même.
La perception des sensations du corps est une voie puissante,
plus encore, que celle des mouvements du mental. Mais peut-
être cela dépend-il de chacun...
Certains êtres peuvent avoir plus de facilité à l’observation
du mental qu’à celle des sensations. L’observation du men-
tal doit être renforcée par le questionnement sur la nature du
« qui ? », afin d’affirmer la distanciation d’avec les productions
mentales et l’établissement dans la conscience-témoin. L’écoute
des sensations pointe vers la même réalité, à condition que les
sensations soient écoutées, au point où elles se diluent et se dis-
solvent, sans résistance, dans l’écoute, comme le fait le sirop de
fruits rouges plongé dans la vacuité de l’eau, métaphore de la
conscience pure que vous êtes.
L’écoute des sensations permet d’éviter la distraction.
Le mental tend en effet à s’agiter dans tous les sens, inven-
tant constamment de nouvelles stratégies pour retarder sa
mort. La sensation évite cette dispersion, n’ayant d’existence
qu’à l’instant où elle est perçue.
Par cet amoindrissement de la distraction, le mental, ne pou-
vant plus s’accrocher, perd peu à peu pied. Ne reste alors pro-
gressivement que la conscience sans objet.
Oui, elle est le résidu ultime, cela qui reste, lorsque dispa-
raît tout ce qu’elle n’est pas.
En somme, la perception corporelle est essentielle. Elle est une
aide, même une pratique permettant de « désencombrer la
place ». Désencombrement qui se fait naturellement, spontané-
ment, lorsqu’on demeure en contact avec le corps.
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La sensation a la particularité de ne pas pouvoir être pensée,
puisque la pensée de la sensation n’est plus la sensation. Elle
a ainsi la vertu de ramener l’écoute à l’écoute, support dans
lequel la sensation s’inscrit.
J’aurais presque envie de rajouter par rapport à cet ancrage du
corps : « reste au contact du corps, sans te poser de question, et
aussi souvent que possible, le reste suivra... »
Oui, et continuer d’explorer la perspective de « la sensa-
tion est en moi », en lieu et place de celle de « je suis dans la
sensation ».
*
* *
Il y a des instants où les productions mentales sont vécues comme
extérieures, sans que je puisse être emporté par elles. Dans
d’autres moments, je peux me retrouver « bêtement » au cœur
de la tempête. Et le moyen le plus puissant pour se recadrer est
alors l’écoute du corps. Lorsque je dis bêtement, c’est parce qu’il
me semble que, dans la tempête, je n’ai alors plus de lucidité
dans ma vie.
Oui, la lucidité est ce qui voit la dispersion dans les pro-
jections. Elle est en dehors de la projection, et est, en réalité,
toujours présente, même pendant que la projection se déroule.
Préconiseriez-vous, le matin au réveil, afin de rester dans la
réalité, de faire quelques « exercices » de conscience du corps,
et de les renouveler à certains moments de la journée pour nous
ancrer dans la présence du corps ?
Oui, bien sûr, il peut être précieux, le matin au réveil, et
dans la soirée, de prendre un temps pour déposer son corps et
déposer son mental, et permettre à l’écoute de s’affirmer, dans sa
plénitude et sa totalité. Corps et pensées sont contenus en elle.
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