Page 117 - La pratique spirituelle
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l’immédiate continuité de l’écoute-sujet, et renvoient à elle et de résorption. Elle se transforme d’elle-même, tout comme
avec une intensité inconnue des sons mis en forme. Ces vibra- un sucre plongé dans un bol d’eau chaude. Vient un moment
tions sont comme un miroir pur, non encombré par la pous- où elle disparaît. La présence qui l’objective est, elle, toujours
sière, et ayant donc un pouvoir réfléchissant optimal. Dans identique à elle-même. C’est vers elle que le regard doit se tour-
l’écoute de ces sons sans musique, qui sont en réalité une autre ner. C’est en elle que le regard se trouve.
forme de musique, ce qui écoute et ce qui est écouté finissent
par former un tout indistinct, et c’est bien là l’enseignement *
qu’ils contiennent. Le « OM », qui est décrit comme le son pri- * *
mordial, appartient à ces phénomènes, qui sont au plus près du J’ai le sentiment que rester au contact du corps, de la respira-
noumène, sans pour autant l’être. tion, dans la vie de tous les jours, est le lien le plus puissant pour
« retrouver et garder son axe ». Plus encore que l’observation des
Ce silence, cette vibration, cette « source » serait-elle donc fina- mouvements du mental, cette observation des sensations-vibra-
lement une émanation du Soi, sans être tout à fait Lui ? Me tions se fait alors naturellement.
conseilleriez-vous tout de même de continuer à y porter mon La sensation corporelle est un objet proximal, toujours
attention ? présent à l’état de veille, et donc un objet d’attention privi-
On peut, un temps, porter attention à cette vibration objec- légié. Lorsque l’attention est tournée vers la sensation, elle est
tive, car elle sert de guide vers le non-objet, mais il convient une avec elle. Un sentiment puissant d’unité est ainsi éveillé,
aussi de l’abandonner, afin que ce qui en est conscient puisse qui fait écho à l’unité propre à la conscience sans objet. Dans
se révéler à lui-même, dans son absolue solitude. l’écoute des sensations, vient un moment où l’écoute se désin-
téresse des sensations, les ignore, et s’habite elle-même, dans sa
* pleine solitude et son inaliénable unité. Les sensations ont joué
* *
alors leur rôle de doigt pointé vers la conscience-sujet, et donc
Au réveil, se produit parfois une sensation de coup de poing dans de révélateur de la réalité de ce que vous êtes, avant que la sen-
le plexus. Je ne relie cette perception à rien de particulier. Cela sation ne soit. La démarche est analogue pour la pensée, qui est
me fait penser une réintégration du corps dans la Conscience. un objet matériel, au même titre que la sensation, simplement
Pourrais-tu m’aider à y voir plus clair ? d’une densité et d’une vibration différentes.
Quelle que soit la nature d’une telle réaction, ce n’est pas
tant son origine, qui est toujours en lien avec un mouve- Considérerez-vous que cette conscience du corps s’ancre alors
ment mental, même inapparent, que l’aptitude à l’accueillir, de manière plus forte, avec de moins en moins « d’effort de
telle qu’elle est, sans chercher à la modifier d’une quelconque rappels » ?
manière. Dans cette réceptivité impersonnelle à la sensation, il Sans aucun doute. L’unité à la conscience pure est, en fait,
y a libération, ce qui veut dire qu’il n’y a pas de refus secondaire parfaitement naturelle et toujours présente. C’est la surim-
surimposé. La sensation trouve alors un espace d’expansion position des perceptions qui crée une distraction, en attirant
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