Page 132 - La pratique spirituelle
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La parole de l’instructeur ou de l’instructrice n’est là que              plein. L’écoute du corps, ainsi que sa mobilisation lente et pro-
            pour vous ramener à l’écoute, à vous dégager de la fixation à                longée, libèrent ces énergies fixées, ce qui peut engendrer des
            l’objet d’écoute. Dès qu’elle a rempli son rôle, elle s’efface, tout         réactions secondaires. Il convient de respecter son corps, sans
            comme le dessin tracé à la surface de l’eau.                                 le violenter. Lorsqu’il est en réaction, il doit être traité comme
                                                                                         un enfant qui pleure, avec respect et sensibilité. La réaction est,
            Instruction ou pas instruction, cela revient donc au même, dès               par définition, transitoire. Elle finit par s’amenuiser, sans pour
            lors que l’écoute elle-même est la base de toutes postures ?                 autant que se reconstituent les barrières qui l’encombraient.
               Oui.                                                                      Maintenez votre écoute, et reprenez, lorsque vous le sentirez,
                                                                                         la mobilisation sensible des articulations. C’est l’intuition qui
            La méthode, la technique, le savoir-faire, tout cela peut-il être            doit vous guider, et non la théorisation.
            négligé d’emblée, je veux dire par là, avant même que d’avoir
            appris ?                                                                                               *
               Tout dépend de la maturité de chacun. Certains peuvent se                                          *  *
            passer de l’écoute du corps, tant l’intuition du Soi est domi-               Peut-on ressentir le corps subtil comme tordu, comme étant de
            nante en eux. D’autres ne pourront en faire l’impasse. Sans                  plus en plus vivant, au point que cela prenne le pas sur le reste ?
            quoi, ils auront une compréhension intellectuelle des choses,                   La perception est ce qu’elle est. Elle se transforme d’instant
            mais un corps rongé par les tensions non résolues.                           en instant. Il n’y a pas lieu de s’en préoccuper.

                                       *                                                 L’objectivation du corps subtil m’est actuellement dérangeante,
                                     *  *                                                car ce corps est ressenti comme non symétrique. Ce que j’exprime
            Un fort enthousiasme a accompagné cette découverte du yoga. Je               est subtil, et maintient, il est vrai, la dualité sujet-objet. Que
            suis un cours de yoga tantrique du Cachemire, qui me convient                faire, sinon reconnaître le refus et la peur ?
            très bien dans son approche, donnant toute l’attention à l’écoute.              Voyez qui est dérangé. Le connaisseur d’une chose n’est
            Du jour au lendemain, le corps a commencé à avoir des cour-                  dérangé par la chose que tant qu’il y est identifié. En réalisant
            batures, des crampes et des tendinites, telles que toute posture             que vous n’êtes pas la chose, mais que vous en êtes le témoin,
            est devenue impossible. L’écoute de ces phénomènes est difficile             une distanciation se fait. Cette distanciation est facteur d’har-
            parce que soit ils ne se manifestent pas, soit ils sont inaudibles           monie, car l’intention perturbatrice s’efface.
            car trop hurlants. Comment aborder l’écoute dans ce cas-là ?
            Que disent ces inflammations ?                                               Ces émotions pointent vers la peur, l’impuissance à changer quoi
               L’écoute est toujours une et identique, témoin passif et                  que ce soit.
            immuable du monde. Il en est de même pour les réactions                         Une impuissance acceptée n’est plus une impuissance.
            corporelles. Le corps emmagasine les tensions, les mémoires,                 L’acceptation est le vrai pouvoir.
            tout comme un garde-manger, qui déborde lorsqu’il est trop




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