Page 135 - La pratique spirituelle
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Où est le Refuge Suprême ?  cette écoute, des ajustements peuvent s’imposer. Ces mou-
 Vous êtes cela, en lequel le monde apparaît et dispa-  vements d’adaptation sont fonctionnels, impersonnels, tout
 raît. Libre du monde, vous êtes l’ultime sécurité. Les formes   comme votre comportement lorsque le moteur de votre voi-
 naissent et meurent. Ni vous ne mourrez, ni vous ne naissez.  ture a des ratés. Certains entretiennent avec soin leur véhicule,
            d’autres le dédaignent. Cela dépend des conditionnements
 Quand vous parlez d’accueillir ou d’écouter les sensations, les   préexistants.
 tensions du corps, le mot « accueillir » peut-il être remplacé par
 « ressentir » ?                       *
 Oui, pourquoi pas. Faites toutefois la distinction entre ce   *  *
 qui est ressenti et ce qui ressent. Lorsque l’accent est mis sur   Au réveil, au moment où le corps apparaît dans la perception,
 ce qui est ressenti, vous êtes sensation. Lorsque l’accent est mis   il demeure dans une plénitude et une détente due à une sorte
 sur ce qui ressent, vous êtes conscience.  d’absence de propriétaire. Rien ne l’habite, bien qu’il soit perçu
            directement, sans image. Disons, il est vécu.
 *             Oui, il est objet d’écoute.
 *  *
 Est-il légitime de vouloir garder le corps jeune et en bonne   Dans l’aperception de la conscience, peut-on dire que la
 santé dans une démarche non duelle ? J’en éprouve une certaine   conscience est le corps, et que le corps est conscience ?
 culpabilité, car cela dénote encore un attachement au corps et   Il n’y a pas de séparation, tout est un.
 cela éloigne de la pure conscience, non ?
 Lorsque vous avez un vêtement neuf, il est naturel de le   Le corps de chair est objet d’écoute. Le corps est-il lui aussi
 maintenir en bon état. Lorsqu’il est déchiré ou sali, naturel-  espace d’accueil ?
 lement, vous le réparez ou le nettoyez. Lorsqu’il est complète-  Le corps est un émetteur-récepteur. Dans sa fonction récep-
 ment usé, il est jeté. Il en est de même avec le corps. Tant qu’il   tive, grâce à la sensorialité, il perçoit le monde alentour sous
 est fonctionnel, il est maintenu en bon état. Lorsqu’il ne l’est   forme de signaux électriques.
 plus, il est jeté.
            Il me semble que le corps se révèle aussi être plénitude... sans
            être objet. Quels sont les niveaux de subtilité d’écoute du corps ?
 Lorsque l’éveil survient, quel rapport l’éveillé entretient-il avec
 son corps ? La volonté de le maintenir jeune et en bonne santé   Une fois l’image du corps dissoute, le corps n’est que sen-
 perdure-t-elle ou s’éteint-elle ?  sation, vibration. Ces perceptions se dissipent dans la globa-
 L’éveil est unité à la conscience, permanent établissement   lité de la conscience, qui en est leur contenant. L’écoute, qui
 dans la présence silencieuse. Le corps, percuté par la perspec-  s’est initialement déployée dans les sensations, réintègre alors
            sa nature propre, qui est libre de tout objet.
 tive globale, se détend, et fonctionne au mieux de ses possibi-
 lités. Si des symptômes apparaissent, ils sont écoutés. À travers




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