Page 136 - La pratique spirituelle
P. 136
Peut-on parler d’un corps-de-conscience ?
Oui, on pourrait le dire ainsi, puisqu’il prolonge la *
conscience, tout comme les rayons du soleil prolongent le soleil. * *
Sans intention, la tension corporelle retombe. Dans l’abandon
Au réveil, le corps est la détente elle-même. Il est à l’état naturel. global de la volonté, une détente se généralise. Cette détente
Le repos est sa nature. témoigne de la tranquillité. Ce qui perçoit la tranquillité est
ainsi plus aisément dévoilé. L’ego peut-il jouer par son absence
* et sa présence au travers du corps ?
* *
L’ego n’est qu’une pensée. Une pensée est sans pouvoir. La
Quelle est la sensation la plus naturelle du corps ? perspective égotique est un vécu. Elle est identification à la
Lorsque vous explorez, par exemple, l’une de vos mains, mémoire. Cette perspective elle-même est la duperie. C’est la
vous allez laisser sa sensation s’éveiller. La musculature se marionnette qui prétend être libre.
détend, se repose. Les articulations se dilatent. Les contours
de la main s’effacent. La main tout entière devient vibration, Il semble qu’il soit possible que toute saisie égotique s’efface du
vacuité. Sa fonctionnalité s’est effacée, pour laisser place à la corps. Est-ce un état corporel artificiel, ou un état qui reflète
sensation originelle qu’elle masquait. Toutes les parties du une véritable tranquillité ?
corps peuvent être explorées ainsi, révélant leur vibration, leur La conscience qui contient est naturellement paisible.
tonalité, leur disponibilité. C’est le vouloir et l’intention qui Elle n’a rien à faire pour cela. C’est sa nature qui est ainsi. Et
créent des tensions qui se maintiennent et empêchent la sensa- lorsque cette perspective est habitée, le corps et le mental s’y
tion originelle de se révéler. alignent.
Un corps libre, c’est quoi ? La perspective impersonnelle rime-t-elle avec l’expérience d’un
Un corps libre est un corps vacant, disponible, non entravé corps inhabité ?
par les tensions, défenses et résistances. C’est le corps qui habite l’impersonnel, et non l’inverse.
Le corps est-il ou le corps n’est-il pas ? Habiter le corps, est-ce l’imposture, et laisser le corps habiter la
Si on laisse de côté toute chose apprise en référence à la conscience, la position naturelle ?
mémoire, le corps est perception, sensation. Il n’existe que par Oui, on peut le dire ainsi.
le fait de la conscience qui le perçoit. Il n’a donc pas d’exis-
tence autonome. On peut le considérer comme expression de Le vécu d’un instant de pure vacuité, est-il apte à « nettoyer »
la conscience, et lui attribuer une existence relative. Mais il toutes les mémoires résiduelles du corps ? Ou faut-il considérer
n’a pas de valeur absolue, étant apparition transitoire dans la le corps point par point pour un dénouage laborieux de toutes
conscience observante. les cachettes du moi ?
136 137