Page 133 - La pratique spirituelle
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La parole de l’instructeur ou de l’instructrice n’est là que plein. L’écoute du corps, ainsi que sa mobilisation lente et pro-
pour vous ramener à l’écoute, à vous dégager de la fixation à longée, libèrent ces énergies fixées, ce qui peut engendrer des
l’objet d’écoute. Dès qu’elle a rempli son rôle, elle s’efface, tout réactions secondaires. Il convient de respecter son corps, sans
comme le dessin tracé à la surface de l’eau. le violenter. Lorsqu’il est en réaction, il doit être traité comme
un enfant qui pleure, avec respect et sensibilité. La réaction est,
Instruction ou pas instruction, cela revient donc au même, dès par définition, transitoire. Elle finit par s’amenuiser, sans pour
lors que l’écoute elle-même est la base de toutes postures ? autant que se reconstituent les barrières qui l’encombraient.
Oui. Maintenez votre écoute, et reprenez, lorsque vous le sentirez,
la mobilisation sensible des articulations. C’est l’intuition qui
La méthode, la technique, le savoir-faire, tout cela peut-il être doit vous guider, et non la théorisation.
négligé d’emblée, je veux dire par là, avant même que d’avoir
appris ? *
Tout dépend de la maturité de chacun. Certains peuvent se * *
passer de l’écoute du corps, tant l’intuition du Soi est domi- Peut-on ressentir le corps subtil comme tordu, comme étant de
nante en eux. D’autres ne pourront en faire l’impasse. Sans plus en plus vivant, au point que cela prenne le pas sur le reste ?
quoi, ils auront une compréhension intellectuelle des choses, La perception est ce qu’elle est. Elle se transforme d’instant
mais un corps rongé par les tensions non résolues. en instant. Il n’y a pas lieu de s’en préoccuper.
* L’objectivation du corps subtil m’est actuellement dérangeante,
* * car ce corps est ressenti comme non symétrique. Ce que j’exprime
Un fort enthousiasme a accompagné cette découverte du yoga. Je est subtil, et maintient, il est vrai, la dualité sujet-objet. Que
suis un cours de yoga tantrique du Cachemire, qui me convient faire, sinon reconnaître le refus et la peur ?
très bien dans son approche, donnant toute l’attention à l’écoute. Voyez qui est dérangé. Le connaisseur d’une chose n’est
Du jour au lendemain, le corps a commencé à avoir des cour- dérangé par la chose que tant qu’il y est identifié. En réalisant
batures, des crampes et des tendinites, telles que toute posture que vous n’êtes pas la chose, mais que vous en êtes le témoin,
est devenue impossible. L’écoute de ces phénomènes est difficile une distanciation se fait. Cette distanciation est facteur d’har-
parce que soit ils ne se manifestent pas, soit ils sont inaudibles monie, car l’intention perturbatrice s’efface.
car trop hurlants. Comment aborder l’écoute dans ce cas-là ?
Que disent ces inflammations ? Ces émotions pointent vers la peur, l’impuissance à changer quoi
L’écoute est toujours une et identique, témoin passif et que ce soit.
immuable du monde. Il en est de même pour les réactions Une impuissance acceptée n’est plus une impuissance.
corporelles. Le corps emmagasine les tensions, les mémoires, L’acceptation est le vrai pouvoir.
tout comme un garde-manger, qui déborde lorsqu’il est trop
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