Page 184 - La pratique spirituelle

S’il y a une résistance, par exemple dans une torsion ou exten- Dans le cas de mon mécanisme corps-mental, je suis une per-
sion, celle-ci est accueillie. Le mouvement s’arrête, revient un
peu en arrière, et très lentement reprend sa route, sans aucune
forme de violence. Si l’écoute a été suffisamment maintenue,
vient un moment où la résistance lâche. Lorsque vous explo-
rez la sensibilité de l’espace en arrière du corps, c’est toute
votre sensibilité tactile et vibratoire qui se déplace à l’arrière,
explorant tout l’espace qui sépare le corps du mur arrière.
Lorsque l’espace arrière est bien habité, la respiration peut
s’y positionner. C’est alors l’espace arrière qui respire, à son
rythme. Lorsque le souffle est bien ancré, c’est l’écoute et la
vision qui se positionnent dans cet espace, comme s’il était
leur centre. Les sons et images émergent alors dans l’espace
arrière. Lorsque cet espace a été suffisamment exploré, habité,
la sensibilité se déploie vers les côtés, droit et gauche, puis l’es-
pace avant. C’est l’espace tout entier qui est alors habité. C’est
l’espace tout entier qui respire, écoute et voit. Vous êtes com-
plètement un avec l’espace, sans division, et sans séparation.
En temps voulu, l’espace lui-même est négligé. Ne reste que
l’unité de l’être, support inamovible de la totalité du perçu.
Ne peut-on pas aussi commencer l’exploration tactile, par
exemple dans l’espace devant ? On peut commencer par là, et
ensuite, porter le ressenti à l’espace arrière, que j’ai plus de mal
à ressentir.
Oui, bien sûr. Ce qui se cherche est une expansion multi-
directionnelle du corps énergétique, brisant l’identification au
corps physique dense, et à ses limites cutanées.
À la lecture de votre réponse, je perçois que le plus impor-
tant c’est le lâcher-prise individuel pour s’ouvrir à une écoute
impersonnelle.
Oui, absolument.
184
sonne très volontaire pour pratiquer beaucoup. Je pense que je
peux m’appuyer sur cette qualité du travail pour que l’écoute
puisse se manifester en moi.
Il est, en effet, important de persévérer dans l’écoute et
l’accueil des perceptions, jusqu’à ce que les résistances à la plé-
nitude de l’accueil disparaissent complètement. Les percep-
tions circulent alors, de manière fluide, dans la conscience qui
les contient.
*
* *
J’ai essayé aujourd’hui de mettre en pratique une séance com-
plète d’approches corporelles. Lorsqu’il y a ressenti global du
corps, il y a détente. Cela n’a pas été le cas lorsqu’il est demandé
une localisation plus restreinte. Lors de la localisation dans un
membre, est-ce qu’il s’agit juste de l’éclairer un tout petit peu
plus, mais sans perdre de vue la globalité du corps ?
Dans de telles approches corporelles, il convient d’éviter
toute concentration, c’est-à-dire une centration excessive sur
l’objet d’écoute, qui va engendrer tension et réaction. L’objet
d’écoute s’insère dans l’écoute, qui est le témoin permanent
de la mouvance des sensations. L’écoute du corps est prétexte à
l’unité à l’écoute. Lorsqu’une région précise du corps est écou-
tée, ses sensations se dévoilent dans la plénitude de l’écoute,
se dilatent et se dissolvent en elle. La conscience qui écoute,
comme vous le pressentez justement, est l’unique réalité vers
laquelle pointent les sensations. Elle est la justification de ces
approches, et leur unique intérêt. Le bien-être corporel n’est
qu’un effet secondaire, sur lequel il convient de ne pas s’attar-
der. Il convient d’accueillir en soi les sensations, et non de
se projeter en elles. Ce qui s’intègre alors pourra être aussi
appliqué à la vie quotidienne, dans laquelle les situations se
déploient en vous, et non vous en elles.
185