Page 185 - La pratique spirituelle
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S’il y a une résistance, par exemple dans une torsion ou exten- Dans le cas de mon mécanisme corps-mental, je suis une per-
sion, celle-ci est accueillie. Le mouvement s’arrête, revient un sonne très volontaire pour pratiquer beaucoup. Je pense que je
peu en arrière, et très lentement reprend sa route, sans aucune peux m’appuyer sur cette qualité du travail pour que l’écoute
forme de violence. Si l’écoute a été suffisamment maintenue, puisse se manifester en moi.
vient un moment où la résistance lâche. Lorsque vous explo- Il est, en effet, important de persévérer dans l’écoute et
rez la sensibilité de l’espace en arrière du corps, c’est toute l’accueil des perceptions, jusqu’à ce que les résistances à la plé-
votre sensibilité tactile et vibratoire qui se déplace à l’arrière, nitude de l’accueil disparaissent complètement. Les percep-
explorant tout l’espace qui sépare le corps du mur arrière. tions circulent alors, de manière fluide, dans la conscience qui
Lorsque l’espace arrière est bien habité, la respiration peut les contient.
s’y positionner. C’est alors l’espace arrière qui respire, à son *
rythme. Lorsque le souffle est bien ancré, c’est l’écoute et la * *
vision qui se positionnent dans cet espace, comme s’il était J’ai essayé aujourd’hui de mettre en pratique une séance com-
leur centre. Les sons et images émergent alors dans l’espace plète d’approches corporelles. Lorsqu’il y a ressenti global du
arrière. Lorsque cet espace a été suffisamment exploré, habité, corps, il y a détente. Cela n’a pas été le cas lorsqu’il est demandé
la sensibilité se déploie vers les côtés, droit et gauche, puis l’es- une localisation plus restreinte. Lors de la localisation dans un
pace avant. C’est l’espace tout entier qui est alors habité. C’est membre, est-ce qu’il s’agit juste de l’éclairer un tout petit peu
l’espace tout entier qui respire, écoute et voit. Vous êtes com- plus, mais sans perdre de vue la globalité du corps ?
plètement un avec l’espace, sans division, et sans séparation. Dans de telles approches corporelles, il convient d’éviter
En temps voulu, l’espace lui-même est négligé. Ne reste que toute concentration, c’est-à-dire une centration excessive sur
l’unité de l’être, support inamovible de la totalité du perçu. l’objet d’écoute, qui va engendrer tension et réaction. L’objet
d’écoute s’insère dans l’écoute, qui est le témoin permanent
Ne peut-on pas aussi commencer l’exploration tactile, par de la mouvance des sensations. L’écoute du corps est prétexte à
exemple dans l’espace devant ? On peut commencer par là, et l’unité à l’écoute. Lorsqu’une région précise du corps est écou-
ensuite, porter le ressenti à l’espace arrière, que j’ai plus de mal tée, ses sensations se dévoilent dans la plénitude de l’écoute,
à ressentir. se dilatent et se dissolvent en elle. La conscience qui écoute,
Oui, bien sûr. Ce qui se cherche est une expansion multi- comme vous le pressentez justement, est l’unique réalité vers
directionnelle du corps énergétique, brisant l’identification au laquelle pointent les sensations. Elle est la justification de ces
corps physique dense, et à ses limites cutanées. approches, et leur unique intérêt. Le bien-être corporel n’est
qu’un effet secondaire, sur lequel il convient de ne pas s’attar-
À la lecture de votre réponse, je perçois que le plus impor- der. Il convient d’accueillir en soi les sensations, et non de
tant c’est le lâcher-prise individuel pour s’ouvrir à une écoute se projeter en elles. Ce qui s’intègre alors pourra être aussi
impersonnelle. appliqué à la vie quotidienne, dans laquelle les situations se
Oui, absolument. déploient en vous, et non vous en elles.
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