Page 195 - La pratique spirituelle
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S’il n’y a rien à faire, qu’est-ce qui différencie au fond une per-  Peut-on pratiquer l’approche corporelle à un âge avancé, malgré
 sonne dite « éveillée » d’une autre ?  de sérieuses limitations physiques (scoliose, genoux douloureux,
 La perspective.  articulations rigides) ?
               Absolument. Le yoga est un art de l’écoute. Il est un pré-
 Parfois, l’accueil est là, tout simplement. Parfois non, il y a   texte à l’éveil de l’écoute pure, libérée des contingences de
 identification. Est-il alors néanmoins utile de se « replacer » à   l’écouté. Que le corps soit souple ou rigide ne change rien à
 l’arrière-plan, même s’il n’y a rien à faire pour être ce qu’on est   la nature de ce que vous êtes. Accueillez, dans votre écoute, le
 déjà ?     corps tel qu’il est, sans lui surimposer un schéma de ce qu’il
 Il n’y a pas de choix. La vérité s’impose d’elle-même. Elle   devrait être. La sensation est alors vibration. La vibration
 ne peut être choisie. C’est elle qui vous choisit.  résonne dans le silence. Le silence est, dans sa liberté première.
            Peut-on dépasser ces limites grâce à l’utilisation du corps subtil ?
 Même ce « placement », qui semble délibéré, n’a pas l’air d’être   Toutes les postures corporelles peuvent, en effet, être
 de notre ressort, mais de celui de la vie.  accomplies avec le corps subtil, sans intervention du corps
 Oui, en effet. Toute velléité de localisation éloigne de la   physique, qui reste alors immobile. Ces déplacements du corps
 globalité.  subtil ont un impact sur le corps physique, car le corps subtil
            est le maître caché du corps physique.
 De quelle prise de conscience cette nouvelle perspective prend-
 elle naissance ?  Dans les approches corporelles, y a-t-il une logique dans le
 Le désir de globalité vient de la globalité elle-même.  déroulement d’une séance ?
               Ces approches corporelles sont guidées par le ressenti et
 Conseilleriez-vous quelque chose par rapport aux phases d’iden-  l’écoute, ce qui n’exclut pas une part de technicité et un res-
 tification encore présentes, ou cela ne ferait-il que créer une ten-  pect de la tradition du yoga. L’accent, toutefois, est mis ici sur
 sion supplémentaire ?  la conscience globale, qui contient le corps et ses mouvements.
 Les voir, à partir d’une vision lucide, sans compromis et   La posture corporelle est donc utilisée comme un pointeur
 sans complicité.  vers la conscience qui lui sert de support. La performance est
            exclue de ces approches, car elle maintient une intention qui
            masque la liberté d’être.
 Ces moments où observateur et observé ne font qu’un vont-ils
 prendre de plus en plus de place ?  Peut-on « inventer » au gré du jour le déroulement d’une séance,
 Par obligation, oui. Lorsque l’imposteur a été démasqué, il   ou pouvons-nous prendre comme appui les enregistrements ?
 n’est plus possible de lui accorder crédit. Il finit alors par s’en   Les sessions enregistrées sont une invitation à orienter l’at-
 aller de lui-même.  tention vers elle-même, et à utiliser le corps comme un poin-
 *          teur vers ce qui en est conscient. Lorsque la perspective est
 *  *       comprise, l’intuition est alors libérée et peut prendre en charge



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