Page 193 - La pratique spirituelle
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même des organes, qui sont vivants, habités, vibrants. Restez *
complètement présent à cette vibration, qui se révèle alors et * *
transmute les parties du corps qui sont encore en défense.
Lors des approches corporelles, vous dites de ne pas initier un
* mouvement à partir d’une impulsion musculaire, mais plutôt
* * à partir de la sensibilité. Est-ce possible de développer un peu
Lorsque je respire en conscience, les tensions stoppent. Le vide plus ?
et le plein fusionnent. Pourquoi est-ce si difficile d’ancrer cette D’abord, vous explorez la sensation globale de cette partie
évidence en permanence ? du corps, sa vibration, sans mouvement. Lorsque la sensation
Il y a une jouissance à l’illusion et à nourrir l’illusion. Sans est éveillée, le mouvement peut être initié. Il ne part pas du
elle, que seriez-vous ? Rien d’objectif. Et cette absence d’objet muscle lui-même, mais de la globalité sensorielle, comme si
est confondue avec la mort. Elle est pourtant encore objet, et un nuage invisible, une main invisible, prenait en charge le
pointe vers l’existence d’une conscience qui l’objective. mouvement. Le muscle est alors au service de la sensibilité.
Il la prolonge, mais ne prend pas le dessus sur elle. Il ne se
Pourquoi « moi » n’arrive pas à se donner la discipline régulière contracte pas plus que nécessaire. Uniquement ce qu’il faut
de ce moment de non-tension et de réunification ? pour permettre le mouvement. Il reste détendu, sans réac-
Familiarisez-vous avec l’absence de vous-même. Voyez le tion surimposée. Vous reconnaîtrez ensuite les moments où
vécu que cette formulation cache. Le moi n’a pas d’intérêt à l’impulsion part du muscle, sous la forme d’une tension qui
œuvrer pour sa disparition. Il y résiste donc. Un corps habité dépasse l’indispensable, et se maintient même lorsque le mou-
se détend et s’apaise. Lorsque ce sont les pensées qui sont habi- vement est achevé.
tées, le corps est déshérité, et les automatismes du moi stimu-
lés. Permettez donc à la conscience d’habiter le corps, jusqu’à Oui, il me semble bien avoir détecté cette impulsion musculaire
ses extrémités, comme du lait qui remplit une cruche, ne lais- disproportionnée comme une sorte de maladresse. C’est comme
sant aucun recoin vide. La conscience est le maître. Lorsqu’elle si je ne comprenais pas vraiment le langage de la sensibilité.
est présente, elle chasse les intrus. Lorsqu’elle se retire, les J’imagine que cela demande beaucoup d’écoute.
intrus se réjouissent, et peuvent à nouveau faire la fête. Le corps doit d’abord être écouté dans l’immobilité. On
* laisse alors la sensibilité s’éveiller, tant à l’intérieur du corps, à
* * sa surface que dans l’espace alentour. Au bout d’un moment,
la partie du corps ainsi explorée devient vibration, transpa-
Comment habiter l’avant-plan, ce que l’on nomme être en rela-
tion, tout en habitant l’arrière-plan ? rence. Une autre qualité du corps apparaît ainsi, qui est incon-
Vous êtes l’arrière-plan. L’avant-plan n’est que le déploie- nue lorsque celui-ci reste en défense, en tension.
ment, dans l’espace-temps, de ce que vous êtes en réalité. Il *
vous prolonge, sans que vous en soyez affectée. * *
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