Page 198 - La pratique spirituelle
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nomination, vous êtes naturellement, et sans effort, le support Je ressens ce corps rempli de tensions.
de toute perception. C’est vers cette identité à cela qui perçoit Le constat n’est pas un jugement. C’est à partir de lui que
que tendent les approches corporelles. Elles ne sont qu’un pré- les ajustements se font.
texte pour que se révèle la toute présence du sujet non-objet.
Y a-t-il une logique d’exécution des mouvements ou, comme vous
À la fin des séances de yoga, vous proposez que « l’attention dites, sont-ils une excuse, un support à l’attention ?
retourne à l’attention ». Cela renvoie aux questions avec le Il y a à la fois une logique d’exécution, avec notamment
« Qui ». Pouvez-vous développer autour de l’investigation avec un respect de la symétrie, et une orientation vers la présence
le « Qui » ? Dans mon expérience, le « Qui » ramène l’attention d’arrière-plan, vers laquelle tendent les postures.
en sa source. Dans ces moments de saisissement, le mental est
comme suspendu. C’est « Je suis... Ahhhhhhh ». Même s’il y a des Peut-on amener l’attention à se fondre en elle-même ? Si oui,
pensées, elles sont comme très lointaines. comment ? C’est ce je pressens quand vous dites : « Les sen-
Le « qui » ne laisse, en effet, guère de place au mental pen- sations se fondent dans la ligne verticale ». C’est comme si je
sant. Un « qui » objet peut toutefois être élaboré, mais il est pouvais disparaître en moi-même !
reconnu comme n’étant pas le véritable « qui », celui qui ne se L’attention est tournée vers l’objet. Quand elle se détourne
laisse pas désigner. Dans l’absence de désignation, vous êtes, de l’objet, elle s’immobilise en elle-même, et se réapproprie
sans aucun autre support que vous-même. ainsi. Elle est alors sans support et sans objet. Le je et l’atten-
tion ne sont plus séparés. Ils sont une seule et même réalité.
*
* * Avec la question du « Qui ? », c’est un peu différent. Il y a déga-
Lors des approches corporelles, j’ai eu des contractions muscu- gement du perçu, avec souvent un agacement lié, je pense, à
laires pendant l’exécution de certains mouvements. Est-ce dû à l’anéantissement du mental. Il a peur.
un manque de souplesse du corps ? Si vous avez la patience de laisser passer la réaction, elle se
Lorsque les mouvements sont exécutés à partir de la sen- dissout alors dans la plénitude dont elle n’est que le reflet.
sibilité, et non à partir de la volonté, il n’y a pas de violence. Je sais que tout ce que je décris là est objectivé, et qu’il y a
C’est l’amour qui imprègne le corps.
un connaisseur de ces objets ! Je ne connais toutefois pas le
Est-il préférable de faire le mouvement avec une toute petite Connaisseur, l’Ultime Connaisseur.
amplitude ou de l’exécuter et d’accueillir les réactions du corps ? Vous ne pouvez pas connaître cela qui vous connaît. Vous
L’essentiel est de maintenir éveillée une pleine sensibilité ne pouvez que réaliser que le « vous » ne désigne pas votre
qui se déploie dans une écoute globale, sans préférence. Le corps ou votre mental, mais bien la conscience qui les contient
mouvement se prend alors lui-même en charge. Il est libéré du tous deux. Dans l’unité à la conscience, il n’y a pas de « je »
carcan de l’intention. conscient. La conscience est elle-même le « je ».
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