Page 258 - La pratique spirituelle
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toujours « en train de méditer », sans méditer au sens de « se               l’absence d’objet, mais de réaliser que le connaisseur de l’ab-
            poser forcément sur un coussin ». Comment pratiquait-il ?                    sence n’est pas absence, mais présence. C’est à cette réalisation
            Franck Terreaux, un ancien élève de Jean Klein, semble prôner                qu’invite la pratique méditative, qui n’a pas d’autre intention
            l’arrêt de la méditation. Comment s’y retrouver ?                            que de libérer l’esprit de toute intention, y compris de l’inten-
               La méditation est attention. Elle est constamment pré-                    tion d’être libre de toute intention. Celui qui médite sur celui
            sente, quel que soit l’état du corps ou du mental. La médi-                  qui médite réalise que le sujet et l’objet sont, en réalité, un.
            tation formelle, telle qu’on l’entend par l’assise, n’est qu’un              Cette unité d’être est méditation.
            temps expérimental dans lequel la distraction que représente
            l’action est laissée de côté. Il y a donc un face-à-face obligé                                        *
            avec les mouvements des pensées, des émotions et des sensa-                                           *  *
            tions. Elle n’est pas un but en soi, mais une aide pour faciliter            Je découvre petit à petit la méditation pour diminuer un peu
            le retour à l’attention pure, dépouillée de l’objet. Lorsque l’at-           la tyrannie du mental. Il y a certainement un appel à l’éveil,
            tention se tourne vers cela qui est attentif, il y a fusion, unité,          issu de la conscience. Mais il y a aussi le petit moi qui se berne
            à l’instant même où la distance n’est pas. Vous vous réalisez en             lui-même et souffre de son illusion. Il faut une vigilance quasi
            tant qu’être, libre de toute division. Vouloir méditer ou vou-               constante pour voir son jeu. Faut-il demeurer en alerte afin de
            loir ne pas méditer sont tous deux des vouloirs. Ils ne sont pas             déjouer ses pièges, ou suffit-il de le laisser aller jusqu’au bout
            la non-volition propre à l’attention pure. La reconnaissance                 afin qu’il se brûle les ailes une bonne fois pour toutes ?
            de ce que l’attention n’est pas ramène instantanément à ce que                  Le regard témoin est toujours présent. Il n’y a donc rien
            vous êtes, attention sans objet.                                             à faire pour regarder, car l’action de regarder est la fonction
                                                                                         naturelle du regard. Habiter le regard témoin signifie faire un,
            Jean Klein disait : « Il ne faudrait pas que vous vous perdiez               sciemment, avec lui. C’est à partir de lui que tous les mouve-
            dans le vide de votre corps, ni dans la perception. La méditation            ments mentaux sont perçus. Ne cherchez donc rien d’autre
            n’est pas faite en vue de purifier ou de vider le corps. Le corps            que cette unité d’être, et laissez de côté toutes les tentatives de
            est uniquement un objet pour pointer vers le sujet. La médita-               manipulation du mental, qui appartiennent aussi au mental.
            tion doit vous amener à l’autonomie totale. Quand votre corps                Et même chercher à être est encore une aberration, puisque
            est détendu, vacant, il ne faudrait pas vous perdre, ni plonger              vous ne pouvez éviter d’être. Résolvez l’énigme, en suivant
            dans cette vacuité. » Comment ne pas se perdre dans la vacuité               l’intuition de ce vécu primordial, non duel.
            s’il n’y a plus d’objet ?
               La méditation est observation. Les rayons du soleil se                    Permettez-moi de citer Jean Klein (Ouvert à l’Inconnu) : « Nous
            reflètent mieux sur une surface d’eau calme qu’agitée. Il en                 sommes habitués à utiliser le mental pour la compréhension.
            est de même pour la lumière du Soi, qui se réfléchit au mieux                Celui-ci doit aller jusqu’au bout de lui-même, jusqu’à ce qu’il
            dans un corps et un mental apaisés. Ne pas se perdre dans                    arrive à sa fin, jusqu’à ce qu’il arrive au point d’être complète-
            la vacuité signifie qu’il convient de ne pas rester identifié à              ment épuisé ». Qu’entendait Jean Klein par là ?




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