Page 259 - La pratique spirituelle
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toujours « en train de méditer », sans méditer au sens de « se   l’absence d’objet, mais de réaliser que le connaisseur de l’ab-
 poser forcément sur un coussin ». Comment pratiquait-il ?   sence n’est pas absence, mais présence. C’est à cette réalisation
 Franck Terreaux, un ancien élève de Jean Klein, semble prôner   qu’invite la pratique méditative, qui n’a pas d’autre intention
 l’arrêt de la méditation. Comment s’y retrouver ?  que de libérer l’esprit de toute intention, y compris de l’inten-
 La méditation est attention. Elle est constamment pré-  tion d’être libre de toute intention. Celui qui médite sur celui
 sente, quel que soit l’état du corps ou du mental. La médi-  qui médite réalise que le sujet et l’objet sont, en réalité, un.
 tation formelle, telle qu’on l’entend par l’assise, n’est qu’un   Cette unité d’être est méditation.
 temps expérimental dans lequel la distraction que représente
 l’action est laissée de côté. Il y a donc un face-à-face obligé   *
 avec les mouvements des pensées, des émotions et des sensa-  *  *
 tions. Elle n’est pas un but en soi, mais une aide pour faciliter   Je découvre petit à petit la méditation pour diminuer un peu
 le retour à l’attention pure, dépouillée de l’objet. Lorsque l’at-  la tyrannie du mental. Il y a certainement un appel à l’éveil,
 tention se tourne vers cela qui est attentif, il y a fusion, unité,   issu de la conscience. Mais il y a aussi le petit moi qui se berne
 à l’instant même où la distance n’est pas. Vous vous réalisez en   lui-même et souffre de son illusion. Il faut une vigilance quasi
 tant qu’être, libre de toute division. Vouloir méditer ou vou-  constante pour voir son jeu. Faut-il demeurer en alerte afin de
 loir ne pas méditer sont tous deux des vouloirs. Ils ne sont pas   déjouer ses pièges, ou suffit-il de le laisser aller jusqu’au bout
 la non-volition propre à l’attention pure. La reconnaissance   afin qu’il se brûle les ailes une bonne fois pour toutes ?
 de ce que l’attention n’est pas ramène instantanément à ce que   Le regard témoin est toujours présent. Il n’y a donc rien
 vous êtes, attention sans objet.  à faire pour regarder, car l’action de regarder est la fonction
            naturelle du regard. Habiter le regard témoin signifie faire un,
 Jean Klein disait : « Il ne faudrait pas que vous vous perdiez   sciemment, avec lui. C’est à partir de lui que tous les mouve-
 dans le vide de votre corps, ni dans la perception. La méditation   ments mentaux sont perçus. Ne cherchez donc rien d’autre
 n’est pas faite en vue de purifier ou de vider le corps. Le corps   que cette unité d’être, et laissez de côté toutes les tentatives de
 est uniquement un objet pour pointer vers le sujet. La médita-  manipulation du mental, qui appartiennent aussi au mental.
 tion doit vous amener à l’autonomie totale. Quand votre corps   Et même chercher à être est encore une aberration, puisque
 est détendu, vacant, il ne faudrait pas vous perdre, ni plonger   vous ne pouvez éviter d’être. Résolvez l’énigme, en suivant
 dans cette vacuité. » Comment ne pas se perdre dans la vacuité   l’intuition de ce vécu primordial, non duel.
 s’il n’y a plus d’objet ?
 La méditation est observation. Les rayons du soleil se   Permettez-moi de citer Jean Klein (Ouvert à l’Inconnu) : « Nous
 reflètent mieux sur une surface d’eau calme qu’agitée. Il en   sommes habitués à utiliser le mental pour la compréhension.
 est de même pour la lumière du Soi, qui se réfléchit au mieux   Celui-ci doit aller jusqu’au bout de lui-même, jusqu’à ce qu’il
 dans un corps et un mental apaisés. Ne pas se perdre dans   arrive à sa fin, jusqu’à ce qu’il arrive au point d’être complète-
 la vacuité signifie qu’il convient de ne pas rester identifié à   ment épuisé ». Qu’entendait Jean Klein par là ?




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