Page 264 - La pratique spirituelle
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Après la méditation, il y a rapidement retour de l’identification            Le retour à l’écoute peut-il se faire avec la question : « Il y a un
            au moi par le truchement de la même pensée : « Tu vois, il n’y a rien        problème pour qui ? »
            ici, c’est vide, ça ne peut pas être ça ta vraie nature, sors de là. »          Pour la conscience silencieuse, il n’y a jamais de problème,
               Ces commentaires sont des mouvements mentaux, perçus                      car il n’y a pas de penseur qui le crée.
            à partir de l’immuable. Voyez donc ce vers quoi ils pointent.
                                                                                         Sans objet pour le révéler, reste-t-il un sujet ? Car, sans nuage,
            Je crois deviner qu’il s’agit, comme vous le dites à propos d’autres         il reste un ciel pour l’observateur, mais sans observateur, reste-
            « obstacles », du moi qui convulse, qu’il convient d’ignorer, de             t-il un ciel ?
            négliger ce contenu aussi bien que les autres. Le confirmez-vous ?              Le ciel est ici l’observateur, le connaisseur, l’absolu au sein
               Oui, une négligence totale de l’objet, quel qu’il soit, sans              duquel prend naissance la manifestation.
            réserve et sans condition.
                                                                                         Il semble pourtant qu’il y ait encore quelqu’un qui croit com-
            Comment résister au désir de fuite de cet inconfort pour le « my             prendre et expérimenter, quelqu’un qui s’agite et qui a peur de
            me » ?                                                                       n’être rien n’étant plus ce qu’il croyait être.
               Faire face à la tension, notamment dans le corps. Une ten-                   Restez simplement tranquille, et contemplez en silence les
            sion écoutée ne manque pas de se résorber dans la plénitude                  mouvements du monde.
            silencieuse de l’écoute.
                                                                                                                   *
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            Si le corps est projeté, écouter le corps revient-il à écouter le
            mental ? D’où provient cette question ?                                      Au fil des méditations, me revient de temps à autres ce propos de
               Corps et mental sont tous deux des projections. Ils                       Maître Dôgen : « Méditer sans but ni esprit de profit... ». Dans
            n’existent que par la lumière qui les éclaire, tout comme le                 le cadre professionnel, devant des décisions à prendre, il m’ar-
            film au cinéma. Seule la question « Qui suis-je ? » est une                  rive de ne plus sentir ce qui serait juste. Différentes voies se pré-
            émanation directe de la conscience pure. Les autres questions                sentent, mais elles me semblent toutes semblables. C’est comme
            partent du moi conceptuel projeté, et ramène donc à lui.                     si faire une chose ou son contraire revenait au même... Et les
                                                                                         collègues attendent… La question du « but », du « profit », que
            Le contenu des pensées qui signent la fin de l’écoute habitée                l’on entend dans les différentes suggestions qui sont avancées,
            s’énonce comme suit : « C’est super, c’est au moins la dixième               me poussent à chercher une voie autre, mais qui a du mal à se
            fois ce matin que tu tiens cinq secondes. » Mais qui a tenu ?                clarifier. Je me demande comment le but du monde manifesté se
               La concentration sur la non-pensée est un moyen, mais                     prolonge naturellement dans le sans but de la méditation, sur
            non un but. Elle ramène l’attention à son point de départ,                   le chemin de la « sagesse ».
            avant que ne naisse la division entre un sujet attentif et un                   Il n’y a pas d’entité personnelle qui décide. La décision est
            objet d’attention.                                                           un mouvement qui se met en place au sein de l’immuable que




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