Page 265 - La pratique spirituelle
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Après la méditation, il y a rapidement retour de l’identification   Le retour à l’écoute peut-il se faire avec la question : « Il y a un
 au moi par le truchement de la même pensée : « Tu vois, il n’y a rien   problème pour qui ? »
 ici, c’est vide, ça ne peut pas être ça ta vraie nature, sors de là. »  Pour la conscience silencieuse, il n’y a jamais de problème,
 Ces commentaires sont des mouvements mentaux, perçus   car il n’y a pas de penseur qui le crée.
 à partir de l’immuable. Voyez donc ce vers quoi ils pointent.
            Sans objet pour le révéler, reste-t-il un sujet ? Car, sans nuage,
 Je crois deviner qu’il s’agit, comme vous le dites à propos d’autres   il reste un ciel pour l’observateur, mais sans observateur, reste-
 « obstacles », du moi qui convulse, qu’il convient d’ignorer, de   t-il un ciel ?
 négliger ce contenu aussi bien que les autres. Le confirmez-vous ?  Le ciel est ici l’observateur, le connaisseur, l’absolu au sein
 Oui, une négligence totale de l’objet, quel qu’il soit, sans   duquel prend naissance la manifestation.
 réserve et sans condition.
            Il semble pourtant qu’il y ait encore quelqu’un qui croit com-
 Comment résister au désir de fuite de cet inconfort pour le « my   prendre et expérimenter, quelqu’un qui s’agite et qui a peur de
 me » ?     n’être rien n’étant plus ce qu’il croyait être.
 Faire face à la tension, notamment dans le corps. Une ten-  Restez simplement tranquille, et contemplez en silence les
 sion écoutée ne manque pas de se résorber dans la plénitude   mouvements du monde.
 silencieuse de l’écoute.
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 Si le corps est projeté, écouter le corps revient-il à écouter le
 mental ? D’où provient cette question ?  Au fil des méditations, me revient de temps à autres ce propos de
 Corps et mental sont tous deux des projections. Ils   Maître Dôgen : « Méditer sans but ni esprit de profit... ». Dans
 n’existent que par la lumière qui les éclaire, tout comme le   le cadre professionnel, devant des décisions à prendre, il m’ar-
 film au cinéma. Seule la question « Qui suis-je ? » est une   rive de ne plus sentir ce qui serait juste. Différentes voies se pré-
 émanation directe de la conscience pure. Les autres questions   sentent, mais elles me semblent toutes semblables. C’est comme
 partent du moi conceptuel projeté, et ramène donc à lui.  si faire une chose ou son contraire revenait au même... Et les
            collègues attendent… La question du « but », du « profit », que
 Le contenu des pensées qui signent la fin de l’écoute habitée   l’on entend dans les différentes suggestions qui sont avancées,
 s’énonce comme suit : « C’est super, c’est au moins la dixième   me poussent à chercher une voie autre, mais qui a du mal à se
 fois ce matin que tu tiens cinq secondes. » Mais qui a tenu ?  clarifier. Je me demande comment le but du monde manifesté se
 La concentration sur la non-pensée est un moyen, mais   prolonge naturellement dans le sans but de la méditation, sur
 non un but. Elle ramène l’attention à son point de départ,   le chemin de la « sagesse ».
 avant que ne naisse la division entre un sujet attentif et un   Il n’y a pas d’entité personnelle qui décide. La décision est
 objet d’attention.  un mouvement qui se met en place au sein de l’immuable que




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