Page 267 - La pratique spirituelle
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vous êtes, dans votre nature de conscience. Avant qu’il n’y   la non-pratique. Vous êtes, libre de toute pratique, dans l’éter-
 ait prise de décision, il y a un flot d’incertitudes qui est une   nelle présence jamais née.
 phase de gestation. Vous en êtes le témoin, mais non l’acteur.
 Ce flot se déroule en vous. À un moment donné, qui n’est pas   C’est la même chose en ce qui concerne la respiration. Durant
 sous le joug de la volonté, l’indécision se transforme en déci-  les temps d’arrêt entre l’expir et l’inspir, je ne perçois rien de
 sion, tout comme le fœtus se transforme en bébé, une fois   particulier pour l’instant. Mais étant néophyte en la matière, je
 franchie la matrice maternelle. Dans cette impersonnalité des   ne désespère pas d’y parvenir un jour.
 choix et des décisions, vous êtes toujours le même, identique à   Habiter l’espace qui sépare l’expir de l’inspir n’est pas le
 vous-même, pure présence détachée des mouvements phéno-  contempler. Dans la contemplation, il y a division. Dans le
 ménaux. En vous rappelant la nature de ce que vous êtes, il y a   fait d’habiter, il y a unité.
 détachement quant au mouvement et à ses effets. Et, en effet,
 l’on peut dire qu’une décision en vaut une autre, même si les   En ce qui concerne la respiration, ce que vous dites est très clair,
 conséquences en sont différentes. Que les nuages voguent vers   mais demeure, pour moi, au niveau intellectuel. Je ne l’ai pas
 l’est ou l’ouest ne change rien au ciel qui les contient.  encore vécu consciemment.
 Dans la méditation, c’est le quelqu’un qui médite qui est   Mettez-vous à l’écoute de l’expiration. Laissez-la s’éteindre,
 le centre de l’attention. Ce personnage virtuel se maintient   sans effort, dans le silence. Habitez le silence qui lui fait suite.
 tout le temps nécessaire, jusqu’à sa complète absorption dans   Contemplez le jaillissement de l’inspiration suivante, en évitant
 l’attention pure qui ne se réfère ni à un sujet attentif, ni à   toute anticipation. Soyez en identité avec l’espace qui sépare
 un objet d’attention. Cette dissolution ne peut être accélérée   l’expiration de l’inspiration. La théorie deviendra ainsi du vécu.
 par la volonté, car le vouloir s’oppose à sa survenue. La non-
 intention est ainsi l’ultime intention, ce vers quoi pointent   *
 toutes les intentions. Vous ne pouvez que vous ouvrir à elle,   *  *
 en l’épousant de manière aussi étroite que possible, comme si   Y a-t-il dans la méditation une part de réflexion ?
 vous étiez vous-même la non-intention vers laquelle pointent   La question : « Qui médite ? » vous amène à réaliser qu’il
 les intentions. Tant que perdure une distance entre vous et   n’y a ni méditant, ni médité. Dans cette absence de méditant
 elle, perdure la souffrance de la division. À l’instant où cette   et de médité, il y a méditation.
 distance disparaît, vous êtes, dans votre nature propre et
 libre. C’est vers cette liberté originelle que se dirigent les pra-  Quelle différence entre méditation et contemplation ?
 tiques diverses, qui s’effacent lorsqu’elles ont accompli ce à   Bien qu’il puisse y avoir des différences étymologiques
 quoi elles servent. Être ne peut être pratiqué, puisque cela est,   entre ces deux mots, ils sont utilisés ici de manière équiva-
 avant que le désir ne naisse. La non-pratique est un équiva-  lente, pouvant tous deux être récupérés par la dualité sujet-
 lent du non-agir, fondement de tout agir. L’agir naît et meurt   objet, et pouvant aussi tous deux en être affranchis. La médi-
 dans le non-agir, tout comme la pratique naît et meurt dans    tation et la contemplation pure se réfèrent toutes deux à une




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