Page 260 - La pratique spirituelle
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La pointe extrême du mental s’explore avec la question
« Qui suis-je ? ». Il s’agit, en effet, de l’ultime question, car elle *
meurt dans le silence d’où elle jaillit. * *
Lorsqu’on s’aperçoit que, sans passé et sans futur, ne reste que
La pratique de la méditation apporte un certain confort psycho- le présent, à quel moment dépasse-t-on le présent, sans se dire
somatique, notamment par cette distance qui se crée par rap- qu’on est ?
port aux pensées qui sont la source de l’anxiété. N’est-ce pas un La présence au présent est un prélude de la présence à la
refoulement des émotions ? présence. Dans la présence au présent, il y a division. Dans la
Non pas un refoulement, mais une transmutation. présence à la présence, il y a unité.
L’émotion est une réaction. Lorsqu’elle est pleinement écou-
tée, elle se résorbe dans le silence de l’écoute. S’agit-il d’être silence de l’écoute, ou bien d’écouter le silence ?
Le silence ne peut s’écouter lui-même.
N’est-ce pas encore l’ego qui cherche à fuir la peur ?
La racine de la méditation ne se trouve pas dans le moi, Moins j’ai envie de me distraire, plus j’ai envie de calme.
mais dans le Soi. C’est lui qui, en se réfléchissant dans le men- La tranquillité propre à la conscience absorbe les projec-
tal pensant, invite à se tourner vers lui. tions mentales jusqu’à leur complète extinction.
Du fait que la pensée, source de l’émotion, est perçue au moment D’où l’importance de la méditation ?
où elle apparaît, l’émotion n’a pas le temps de se développer. Sous réserve qu’elle ne soit pas prise comme un but à
C’est dans ce sens que je me demandais si ce n’était pas une sorte atteindre, qui vous maintient dans la croyance que vous n’êtes
de refoulement de l’émotion. pas ce que vous cherchez. La méditation est unité au support
Refouler signifie exercer une force en sens contraire d’une de la perception, au silence, à la plénitude. C’est à partir d’elle
impulsion donnée. Dans l’observation silencieuse, il n’y pas de que le monde est connu. Elle contient le monde, tout en étant
volonté. Il n’y a que vision. L’émotion est liée aux mémoires libre du monde.
du passé. Elle est donc secondaire à un mouvement du men-
tal. En le nourrissant par une complicité inconsciente, celui-ci *
devient le maître et domine la vie manifestée. En en voyant * *
son caractère fallacieux, car basée sur la confusion entre le Dans ma pratique, je me contente de m’asseoir et de mettre en
passé et la pensée du passé, et en ne l’alimentant plus, celui- application les propositions. Les tensions corporelles ne sont
ci s’éteint, tout comme une baudruche qui se dégonfle. Il n’y désormais plus problématiques. Elles sont vues, parfois étique-
a pas là de répression, mais une non-complicité, qui induit tées par le mental. Cet étiquetage est vu, rarement jugé. L’espace
l’extinction. L’accueil non complice de l’émotion en permet entre les pensées s’élargit. Quand elles se présentent, elles se
son dévoilement. Elle vous quitte lorsque les pensées qui l’ont résorbent d’elles-mêmes, l’attachement au contenu est vu de
suscitée vous quittent aussi. plus en plus rapidement et dure de moins en moins longtemps.
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