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Le Rabbin Messaoud Darmon compose pour la circonstance un hymne en vers : ce poème sera lu dans toutes les synagogues d’Oran, tous
les Shabbat précédant le 6 Av, jusqu'en 1962. Dès 1831, Ange Amar organise une garde nationale juive. En 1832, le recensement indique
que pour une population de 3 800 habitants, 2800 israélites vivent à Oran. En 1843, la population juive est de 4287 personnes ( 1531
hommes, 1356 femmes et 1400 enfants) et en 1850 elle est passée à 5073 âmes (1217 hommes, 954 femmes et 2902 enfants)
En 1840, les autorités religieuses juives organisent des écoles où l'enseignement se fait en français. Les rabbins, successeurs des anciens
dayanim sont en effet souvent très cultivés, ainsi le Rabbin Cohen-Scali qui écrit des «responsa» ou le Rabbin Moshé Sébaoun qui réunit
une collection de près de cinq mille ouvrages hébraïques. Mais, dès qu'ils en auront la possibilité, les jeunes juifs fréquenteront l'école
communale, puis le lycée. Les meilleurs achèveront leurs études en France, avant de revenir s'installer en Algérie comme médecin ou
avocat. En 1840, soixante-dix enfants juifs à Alger et vingt à Oran, fréquentent les écoles françaises. Le premier bachelier juif algérien fut
Enos Aïnouz à Alger en 1854, et Isaac Bénichou le second à Oran en 1861. La population juive se répartit comme suit : six mille soixante
cinq juifs à Alger, deux cent quatre-vingt-treize à Bône, cinq mille six cent trente-sept à Oran, six cent quatre vingt-dix huit à Mostaganem,
mille cinq cent huit à Tlemcen, trois mille cent cinq à Constantine, six cent vingt-cinq à Médéa, et cent douze à Miliana.
Les 40 premières années de l'occupation française, l'histoire de la communauté juive est celle d' une assimilation voulue avec beaucoup de
lucidité et d'énergie par des dirigeants qui ont vu où est l'avenir et dont l'influence sur la masse est déterminante grâce à l'école, la langue
française pénètre rapidement dans la masse ; mais entre eux, les juifs continueront longtemps à parler la langue qu'ils se sont faite : le judéo
arabe. En 1870, le français et l'hébreu se partagent encore les colonnes du journal «l'israélite algérien» publié par Moïse Netter. D'autres
journaux paraissent encore dans la communauté juive d'Oran : «la jeunesse israélite», un journal franco hébraïque, paraissant tous les jeudis
et dont le directeur gérant se nomme Elie Karsenty; il comprend une page en français et trois en judéo arabe. Le même Elie Karsenty publie
aussi tous les vendredis «Maguid Micharim» un journal en judéo arabe dont le siège se trouve au 41 rue de Wagram et au 19 rue de
l'Aqueduc. «La voix d'Israël» est le bulletin officiel de l'Association cultuelle israélite du département d'Oran et parait le premier de chaque
mois sous la direction de Moïse Setrouk. Le 9 novembre 1845, c'est la mise en place de deux consistoires provinciaux. Quelques grandes
familles sont omnipotentes comme les Karoubi, les Kanouï, les Lasry . Mais, pour la masse de la population juive, l'existence est précaire :
les petits artisans réussissent tout juste à survivre dans les centres de l'intérieur du pays ; dans les grandes villes ils végètent : il y a dix mille
sept cent cinquante et un juifs indigents à Oran dont quatre mille cinq cent vingt-trois secourus. Sur vingt-deux mille juifs à Oran, quatre
mille neuf cent quatre vingt quatorze sont ouvriers, colporteurs ou domestiques.
En 1859, l'Espagne déclare la guerre au Maroc.
Aussitôt, près de quatre mille juifs de Tétouan et d'autres ports marocains, se réfugient à Gibraltar. Là, ils apprennent le saccage de la
«judéria» (quartier juif) de Tétouan par les rifains peu avant la prise de la ville par les espagnols. Le gouvernement de Gibraltar, avec
l'accord des autorités françaises, organise l'immigration de ces juifs vers Oran ; souvent aidés par des compatriotes déjà établis dans la ville,
les Tétouanais s'installent à Oran et dans toute la région : Sidi-bel-Abbès, Mascara, Mostaganem... La crise passée, la réussite économique
et le climat de liberté que représente pour eux la France, les retiendront en Oranie. En 1860, lorsque les espagnols occupèrent Tétouan, la
ville comptait approximativement 35.000 habitants. La communauté juive voisinait les 7000 personnes. Si l’arrivée des espagnols allait
favoriser de larges possibilités de commerce à l’active population juive, en contrepartie, elle ouvrit pour beaucoup le chemin de l’exode, en
raison de la proximité des champs de bataille, des représailles et exactions que ne manquaient pas d’exercer les belligérants de tous bords
sur une communauté sans défense et endémiquement vouée au rôle de bouc émissaire. Beaucoup partirent donc à ce moment vers Tanger,
Gibraltar, l’Algérie et même vers l’Espagne. Le gouvernement français décida que «tous les juifs du Maroc et donc tétouanais qui
voudraient venir maintenant ou plus tard en Algérie pour fuir la persécution obtiendraient des passeports gratuits». Les uns se fixèrent
donc à Tanger où existait une importante communauté judéo-tétouanaise installée avant la guerre. D’autres s’installèrent dans l’enclave de
Gibraltar où l’immigration des juifs de Tétouan et de Tanger était aussi ancienne que la présence britannique sur le Rocher. Mais nombreux
prirent le chemin de l’Algérie, le principal pôle d’attraction des juifs marocains, depuis que les français y avaient mis le pied en 1830. Des
immigrants espagnols avaient colonisé l’Oranie et les juifs, autochtones et nouveaux venus, allaient entretenir avec eux des relations assez
cordiales. Sur l’importance de cette émigration, Madame Sarah LEIBOVICI établit une statistique à partir d’un document de 1879
(Archives de l’A.I.U.) portant sur 325 anciens élèves ayant fréquenté l’école entre 1862 et 1869. Sur 193 cas de juifs originaires de
Tétouan, 102 ont émigré en Algérie à cette date: 63 à Oran, 9 à Mascara, 5 à Sidi-Bel-Abbès, 5 à Tlemcen, 4 à Saint-Denis-du-Sig, 2 à
Géryville, 2 à Tiaret, 2 à Relizane, 2 à Perrégaux, 2 à Bou-Saada, 1 à Alger, 1 à Mostaganem, 1 à Frenda, 1 à Aïn-Fékan, 1 à Tamezouga, 1
à Oued-el-Hamman.
A la veille de la seconde guerre mondiale, l'Afrique du Nord compte environ quatre cent mille juifs répartis pour la plupart dans les grands
centres.