Page 304 - Desastre Toxicomanie
P. 304

Le désastre des toxicomanies en France                                                                                   Regard sur un quart de siècle en arrière



                 lyses et par la convergence de nos regards. Sa lecture me rassure ;
                 elle me conforte dans l’idée de ne pas souffrir d’une distorsion
                 profonde du jugement (dont mes contradicteurs aimeraient poser
                 le diagnostic). Il m’assure que je ne suis pas victime d’un biais
                 majeur d’appréciation et d’interprétation de faits que je ne suis pas
                 le seul à constater (les statistiques officielles de l’OFDT, qui font
                 plutôt dans l’euphémisme, confirment amplement ces constats).
                 Ainsi, il y a plus d’un quart de siècle (une génération), le professeur
                 Deniker, à partir d’une situation des toxicomanies pourtant bien
                 moins  dégradée  qu’elle  ne l’est  aujourd’hui,  portait  un regard
                 d’une même  tonalité  et pressentait,  avec une impressionnante
                 clairvoyance, la situation actuelle. Ceux qui ont accompagné cette
                 situation,  qui l’ont gérée  et l’ont  laissé s’aggraver, ne peuvent
                 donc s’abriter derrière l’excuse trop facile des : « on ne savait
                 pas », « on ne pouvait imaginer ». Tout cela avait été dit et même
                 écrit. Recevoir sur la tête une tuile tombée d’un toit, relève « de
                 la faute à pas de chance », mais recevoir des balles perdues en se
                 promenant dans un champ de tir, n’a rien de fortuit.
                   Dès la première page de ce livre, le professeur Deniker évoque
                 l’entretien qu’eut en 1987, avec le président de la République, le
                 créateur du journal « Hara-Kiri », François Cavanna, dont la petite
                 fille était morte, tuée par la drogue. Cavanna accusait formellement
                 les trafiquants et leurs réseaux. Le président lui demanda alors
                 « Que peut-on faire ? »  Le Pr. Deniker de poursuivre : « Il devrait
                 pourtant savoir que, depuis longtemps, il y a des lois dans notre
                 pays, mais qu’on ne les applique pas au niveau des usagers ».
                 Il dénonce ensuite le fait que « l’on ne parle sérieusement de la
                 drogue qu’à l’occasion d’accidents mortels, quand ils sont rendus
                 publics, ce qui est l’exception ». « Tout le reste du temps il faut se
                 contenter des insipides messages diffusés par l’Administration :
                 ils nous expliquent que « la drogue… il faut en parler » mais on
                 n’en dit pas plus. « Quelques parents ont le courage de raconter leur
                 histoire, mais ils n’ont pas accès aux moyens d’information »…
                 Il cite les propos d’un père dont le fils est mort de la drogue à
                 l’âge de 19 ans : « nous, parents, étions très ignorants des drogues,
                 nous n’avions jamais été mis en garde par une information »…
                 J’arrête de citer car je serais tenté de recopier tout son livre, tant il


                                              304
   299   300   301   302   303   304   305   306   307   308   309