Page 300 - Desastre Toxicomanie
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Le désastre des toxicomanies en France                                                  Pour une gestion profondément modifiée des produits de substitution à l’héroïne



                 de premier passage hépatique »). Ainsi, la naloxone, associée à la
                 buprénorphine dans les comprimés sublinguaux, ne s’oppose pas
                 à l’effet attendu de cette dernière au niveau cérébral. S’il prenait
                 l’envie au patient de dissoudre le contenu de la glossette pour se
                 l’injecter par voie intraveineuse, alors la naloxone arriverait en
                 abondance au cerveau où elle empêcherait la buprénorphine de
                 développer ses effets. Elle pourrait même déclencher un pénible
                 syndrome d’abstinence. Cette double peine devrait dissuader, à tout
                 jamais, l’injecteur de s’adonner à son injection. Cette Suboxone ®
                 est arrivée tardivement en France (relativement à d’autres pays).
                 Depuis lors, elle est boudée par la majorité des prescripteurs, au
                 point que sa mévente pourrait inciter le laboratoire qui la produit
                 à arrêter sa commercialisation en France.
                   Insistons sur le fait que la substitution devrait être considérée
                 comme une étape sur la voie de la guérison. Hélas le maintien au
                 très long cours d’une stimulation opioïdergique intense, entretient
                 l’état  de précarité  et de vulnérabilité  du patient  vis-à-vis des
                 opiacés et opioïdes, qui peut l’inciter, à tout moment, à revenir à
                 l’héroïne, si d’autres « bleus à l’âme » lui sont infligés.
                   On a énuméré les filets multiples et coûteux qui ont été mis en
                 place sur la trajectoire des héroïnomanes, en France : l’échange
                 et  le don de seringues, les CAARUD, les CSAPA, les centres
                 méthadone et les bus méthadone, les centres d’accueil pour les
                 toxicomanes, le programme buprénorphine à haut dosage, les lits
                 hospitaliers ou de clinique pour les désintoxications.  Tous  ces
                 moyens ont été développés pour éviter la démission suprême que
                 constituent les salles de shoot.
                   Beaucoup de ceux qui réclament  aujourd’hui ces salles de
                 shoot, étaient responsables de ces dispositifs d’amont. Il est urgent
                 de leur demander des comptes sur la façon dont ils les ont fait,
                 non pas fonctionner mais dysfonctionner. Ils semblent avoir été
                 contaminés par un élément du credo des toxicomanes qui leurs sont
                 confiés, celui du « toujours plus fort ». Notre société, terriblement
                 endettée, n’a pas/n’a plus la possibilité de consacrer davantage
                 de moyens aux toxicomanies. Elle doit optimiser la gestion des
                 moyens considérables qu’elle y consacre, afin de faire beaucoup
                 mieux. Ceux qui gèrent ces moyens ne doivent plus s’abriter der-


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