Page 344 - Traité de chimie thérapeutique 6 Médicaments antitumoraux
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               Pour les topo-isomérases de type 11, le cycle catalytique peut être divisé en plusieurs
             étapes (schéma 6) (BUREN et OSHEROFF, 1998):
             - liaison de l'enzyme à l'ADN : les enzymes, de forme dimérique, se lient préférentielle-
               ment à certaines zones de l'ADN ce qui définit des sites de coupure spécifiques. De
               plus, il a été montré que ces enzymes possèdent une affinité beaucoup plus faible
               pour l'ADN relaxé que pour des brins sous ou superenroulés. En outre, plus l'enzyme
               est phosphorylée et plus l'affinité pour son substrat est importante ;
               coupure de la première hélice : après fixation d'un cation divalent sur l'enzyme et d'un
               premier duplex, une rupture des deux brins d'ADN se réalise par transphosphorylation
               due à l'attaque des deux tyrosines sur des liaisons phosphodiesters libérant les extré-
               mités 5'. Les sites de coupure de l'ADN sont spécifiques à l'enzyme;
               passage de la deuxième hélice : après la prise en charge du deuxième duplex et la
               liaison d'ATP, un changement conformationnel est observé, ce qui déclenche le pas-
               sage de ce brin d'ADN à travers la coupure précédemment réalisée;
               religation des brins de la première hélice: ce phénomène est observé alors que l'ATP
               est toujours présent ;
                hydrolyse de l'ATP, libération de l'ADN et de l'enzyme qui peut entrer dans un nou-
                veau cycle catalytique.


              5.   EXEMPLES D'INHIBITEURS DE TOPO-ISOMÉRASES
                   DE TYPE I ET (OU) Il
              Depuis une vingtaine d'années, l'action de nombreuses molécules sur les topo-isomé-
              rases a été mise en évidence. Elles peuvent être classées schématiquement en deux
              catégories, celles qui sont actives sur des topo-isomérases de type I ou celles actives
              sur les topo-isomérases de type Il. Il faut noter que seuls sont connus des inhibiteurs de
              la sous-famille IB et IIA et que certains composés peuvent posséder un mode d'action
              mixte. Ils sont utilisés comme agents antitumoraux ou antibactériens.
                Le terme inhibiteur a souvent été employé sans se soucier d'un mécanisme d'action
              précis. La connaissance des différentes étapes du cycle enzymatique et l'étude de l'impact
              de molécules de structures très différentes sur celui-ci, ont permis de préciser les cibles
              d'action potentielles. Ces molécules peuvent interférer avec I'ADN de plusieurs façons:
              - de nombreux agents antitumoraux stabilisent l'intermédiaire qui lie d'une façon cova-
                lente l'enzyme et l'ADN. Il se forme un complexe ternaire (aussi appelé 'complexe
                clivable' ternaire ou de clivage) qui empêche la religation du ou des brins (exemple de
                l'action de la doxorubicine (schéma 6a) et de la camptothécine (schéma 7). Les molé-
                cules qui provoquent ce phénomène sont appelées « poisons » (CAPRANICO et al.,
                1997) (schéma 6a) ;
              - d'autres molécules possèdent une affinité pour I'ADN et inhibent l'activité catalytique
                des topo-isomérases en empêchant l'accès à leurs substrats. Le terme d'inhibiteur
                catalytique ou « suppresseur » est alors utilisé (schéma 6b) ;
              - d'autres inhibiteurs catalytiques peuvent se lier directement à la topo-isomérase 11,
                empêchant l'évolution du cycle catalytique, par suppression de l'activité ATPase
                (schéma 6c), comme avec les dérivés de la bisdioxopipérazine, Dexrazoxane
                (cf. chapitre 16, 10.2.2.);
              - enfin, certaines autres peuvent empêcher la fixation de l'ATP et entraîner un effet de
                même type (ex. : la novobiocine ou certaines coumarines) (schéma 6d).
                Dans certaines familles chimiques, une telle séparation des modes d'action n'est pas
              aussi évidente. C'est le cas des anthracyclines, des ellipticines et des anthracènediones.
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