Page 457 - Traité de chimie thérapeutique 6 Médicaments antitumoraux
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16. ANTHRACYCLINES • PERSPECTIVES 413
1. VECTORISATION, CIBLAGE
1.1. NOUVELLES FORMULATIONS : DAUNORUBICINE
ET DOXORUBICINE LIPOSOMALES
Les liposomes classiques injectés par voie IV passent rapidement dans le foie (cellules
de Kupffer) et la rate (macrophages) qui constituent des réservoirs du médicament per-
mettant sa libération progressive.
Une formulation liposomale renfermant de la daunorubicine (DaunoXome) a notam-
ment été préconisée dans le traitement du sarcome de Kaposi chez des malades atteints
du VIH en combinaison avec des inhibiteurs de protéases (indinavir, ritonavir).
l'utilisation de la chaleur (hyperthermie à 40-43 °C) permet d'accroître la perfusion des
tumeurs généralement peu vascularisées par augmentation du diamètre des pores.
L'hyperthermie pourrait également stimuler certaines réactions chimiques et favoriser
l'effet antitumoral. L'application de cette technique permet notamment de multiplier les
concentrations sanguines par 2 à 5 des formes liposomales de doxorubicine (Doxil, Evacet).
Les travaux en cours visent à fixer, aux liposomes furtifs, des anticorps de surface
susceptibles de se fixer à des antigènes (sélectifs) des tumeurs.
Enfin des immunoliposomes ont été conçus pour combiner les propriétés de ciblage
des tumeurs par des anticorps monoclonaux, tels les anti-HER2 recombinants humani-
sés (rhuMAbHER2), avec les propriétés de vectorisation des liposomes pégylés.
L'oncogène her? est surexprimé dans de nombreux types de cancers et cette surexpres-
sion constitue un facteur pronostique péjoratif notamment dans le cancer du sein. La
plus grande efficacité de cette stratégie a été confirmée sur des xénogreffes de cancer
du sein, chez la souris nude, recevant soit des immunoliposomes, soit la doxorubicine
incluse dans des liposomes (Doxil) et le rhuMAbHER2 sous forme libre (Herceptine).
1.2. VECTORISATION PAR DES POLYMÈRES
Le concept de la vectorisation des antitumoraux par fixation à des polymères est basé
sur l'hypothèse d'une meilleure pénétration dans les cellules cancéreuses et d'un moin-
dre efflux cellulaire ; aussi est-il parfois désigné par le sigle EPR (enhanced drug pene-
tration and retention).
Ainsi le PK1 (issu de travaux réalisés par les universités de Prague et Keele) est cons-
titué par une association d'unités N-(2-hydroxypropyl)méthacrylamide reliées par un
espaceur peptidique (Gly-Phe-Leu-Gly) à la fonction amine du sucre de la doxorubicine.
Le principe actif constitue environ 8% de la molécule dont la M, est voisine de 30 000.
Le PK1 est stable dans le plasma et subit au niveau du lysosome une hydrolyse par les
cystéines protéases. Les expérimentations précliniques ont confirmé que la doxorubi-
cine se concentre dans la tumeur et qu'elle possède une demi-vie nettement plus longue.
Par ailleurs, une inversion du phénotype MOR a été observée avec une lignée cellulaire
d'un cancer de l'ovaire. Une première étude de phase I a mis en évidence que PK1
possède une toxicité réduite: dose maximale tolérée quatre fois supérieure à celle de la
doxorubicine (320 mg/m?) ; bien que non biodégradable, le polymère éliminé ne présente
pas de toxicité spécifique apparente. Il fournit des réponses partielles positives sur deux
tumeurs solides devenues résistantes. Il s'accumule préférentiellement dans le tissu
tumoral et ne révèle pas de toxicité cardiaque immédiate. Les études de phase II portent
sur le traitement du cancer colorectal, du cancer du poumon non à petites cellules et le
cancer du sein résistant ou non aux anthracyclines.