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LIBÉREZ VOTRE CERVEAU !
L’idée que des choses intangibles comme la subjectivité, le rêve,
la pensée, l’esprit ont des corrélats tangibles est encore aujourd’hui
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posée comme un « problème » : le problème du corps et de l’esprit .
En d’autres termes : comment le corps et l’esprit s’influencent‑
ils mutuellement ? Comment le corps produit‑ il l’esprit (pour les
matérialistes stricts) ? Le corps est‑ il un état de l’esprit et l’esprit
un état du corps ?
Quand Sartre affirme que l’existence précède l’essence, il part du
principe que l’esprit est un état du corps, ce qui est une donnée
immédiate de notre subjectivité adulte. Bien sûr, les données
immédiates de la subjectivité ne peuvent être considérées comme
des vérités, mais la conscience que nous en avons en est une :
savoir que ce que nous ressentons, c’est déjà un moyen d’accéder
à la vérité. Bouddhistes et soufis considèrent, à l’inverse, que le
corps est un état de l’esprit, qu’il existe quelque chose d’éternel et
d’indestructible en nous qui dépasse le corps mortel, et qui peut
l’influencer de nombreuses façons.
En neurosciences, on parle de « corrélats neuronaux de la
conscience », et non pas du « substrat neuronal » ou de « bases neu‑
ronales » de la conscience. De fait, en l’état actuel des connaissances,
on ne peut réduire entièrement l’esprit aux nerfs. Ce postulat est
une hypothèse pratique qui n’est ni prouvée, ni prouvable (puisque
la métaphysique est hors de portée de nos sciences actuelles), mais
qui est renforcée, comme le chante Burton dans son poème, par les
corrélats physiologiques de notre subjectivité. Quand nous sommes
endormis, nous sommes largement inconscients, et quand nous
sommes malades, en quelque sorte notre pensée l’est aussi. Quand
notre cerveau est lésé, notre pensée l’est également, etc. Il y a donc
une physiologie de la pensée, comme il existe une physiologie de
l’écriture et de la lecture. Elles sont fascinantes, surtout lorsqu’elles
sont défaillantes. En effet, ces physiologies impliquent la possibilité
de soins, et vouloir soigner soi‑ même la physiologie de son esprit,
ce qui suppose d’être conscient d’elle, est une quête sensée. Cette
physiologie, enfin, est inscrite dans nos nerfs.
1. En anglais, mind- body problem.
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