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LIBÉREZ VOTRE CERVEAU !
nous concevons des structures amenées à résister à des événements
imprévus (comme une station spatiale, par exemple). Nous créons
une structure et la dotons de capteurs après coup. Le corps humain,
à l’inverse, est structuré par ses capteurs, dont les extensions courent
dans la colonne vertébrale. Ces capteurs se mettent en place, en péri‑
phérie, en même temps que le sang (le tissu le plus ubiquitaire du
corps) et structurent en partie le développement des muscles squelet‑
tiques. Dans le développement embryonnaire, les cellules nerveuses
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sont issues de l’ectoderme , mais elles migrent à travers l’organisme en
développement pour innerver aussi bien les tripes que l’épiderme. Un
tel système n’existe pas chez les plantes, dont les cellules, engoncées
dans une paroi de pectocellulose semi‑ rigide, ne peuvent pas migrer.
C’est au système nerveux que nous devons le délice d’un mas‑
sage, précisément parce qu’il est organisé en un ensemble complet,
où des parties distantes peuvent s’influencer les unes les autres. Le
plaisir d’un massage des pieds, ou des mains, tient à l’écrasement
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de nos terminaisons nerveuses, et en particulier des nocicepteurs ,
et la sensation qu’il nous procure est un phénomène subjectif fas‑
cinant, parce qu’il témoigne de ce que notre système sensoriel pré‑
sente plusieurs régimes de fonctionnement, portés sur le même
système de codage : la voie de la douleur est aussi celle du plaisir,
tout dépend de la pression exercée. Ce principe de redondance, on
l’observe aussi dans le système limbique du cerveau, qui est, entre
autres, la voie de la peur. Les émotions fortes, dont certaines sont
censées nous signaler un danger, peuvent se révéler puissamment
addictives, d’où le succès des films d’horreur.
Or, une telle redondance est absente de nos systèmes « nerveux
artificiels ». Si vous trifouillez une alarme anti‑ incendie dans un
bâtiment, il y a peu de chances que vous en tiriez autre chose que
ce pour quoi elle était prévue.
Systèmes autopoïétiques
Pour les biologistes Humberto Maturana et Francisco Varela,
l’autonomie et la survie sont la base des sciences cognitives :
1. Le feuillet de l’embryon qui donnera notamment la peau.
2. Les nocicepteurs enregistrent également un écrasement dangereux ou un perce‑
ment de la peau.
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