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LIBÉREZ VOTRE CERVEAU !
Bolshoi est une simulation fascinante car elle envisage l’Univers
selon une structure particulièrement raffinée, loin de l’aléatoire
que l’on imagine trop souvent, notamment dans la répartition des
galaxies. Comme un écosystème, l’Univers observable semble formé
de niveaux de complexité intriqués les uns dans les autres, de la
simple étoile au super amas comme Laniakea . Peut‑ être un jour
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découvrirons‑ nous des liens élégants entre ces étoiles que l’Uni‑
vers contient en un nombre bien plus grand que notre cerveau ne
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contient de neurones .
La question « Est‑ ce que les étoiles sont cognitives ? » interroge le
principe même de la cognition. Or ce sujet est si vaste et nous le maî‑
trisons si peu que nous sommes aujourd’hui incapables de reproduire
une cognition complète en laboratoire. Et pour cause : le phénomène
de la cognition tient en partie à son imprévisibilité. Si vous criez
quelque chose à une pierre lancée, sa trajectoire n’en sera pas modi‑
fiée. Si vous criez quelque chose à un humain qui court, vous pouvez
changer son comportement. Ça, c’est un résultat de la cognition.
Pour le reste, si nous considérons notre cognition en particulier,
elle est profondément différente du fonctionnement d’un ordina‑
teur. Une certaine génération de chercheurs et de philosophes a
voulu limiter la cognition au langage, alors que l’esprit contient
le langage, mais que le langage ne contient pas l’esprit. Toujours
la même erreur tragique, par laquelle nous confinons l’inconnu
1. Laniakea est en quelque sorte notre adresse dans l’Univers : un super amas de
22 000 galaxies, dont la nôtre, en mouvement autour d’un flot de matière noire appelé
« Grand Attracteur », et dont on ne sait quasiment rien. Laniakea signifie « paradis
incommensurable » en dialecte Hawaïen. Tully, R. B., Courtois, H., Hoffman, Y. et
Pomarède, D., « The Laniakea supercluster of galaxies », Nature (2014), 513, 71‑73.
2. Deux cents milliards au carré est une estimation fréquente pour le nombre d’étoiles
dans l’Univers. Cent milliards est la borne supérieure du nombre de neurones dans notre
seul cerveau (une étude en dénombre en fait quatre‑ vingt‑ six milliards en moyenne :
Azevedo, F. A., Carvalho, L. R., Grinberg, L. T., Farfel, J. M., Ferretti, R. E., Leite,
R. E., Lent, R. et Herculano‑ Houzel, S., « Equal numbers of neuronal and nonneu‑
ronal cells make the human brain an isometrically scaled‑ up primate brain », Journal
of Comparative Neurology (2009), 513, 532‑541. Quant au nombre d’êtres humains
ayant jamais respiré sur Terre, il est en général estimé autour des cent dix milliards
aujourd’hui. Voir, par exemple, Haub, C., « How many people have ever lived on earth?»,
Population Today (1995), 23, 4‑5 ; Keyfitz, N., « How many people have lived on the
earth?», Demography (1966), 3, 581‑582 ; Weiss, K. M., « On the number of members
of the genus Homo who have ever lived, and some evolutionary implications », Human
Biology (1984), 637‑649 ; Westing, A. H., « A note on how many humans that have
ever lived », BioScience (1981), 31, 523‑524.
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