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LIBÉREZ VOTRE CERVEAU !
unité de circuit qui ressemble un peu aux synapses), alors qu’elles le
sont aux circuits membranaires des neurones .
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Ces nanocircuits, que l’on pourrait appeler « membraniques »,
ont la particularité fascinante d’être interopérables avec d’autres
systèmes de signalisation, comme les hormones ou le système
immunitaire.
Cette interopérabilité, qui n’existe pas dans nos ordinateurs
actuels, est encore mal comprise sur le plan technologique. La
technologie de la membranique donne aux neurones la richesse
d’expression du semi‑ conducteur, tout en la dépassant, puisqu’elle
leur offre en même temps l’accès à l’auto‑ maintenance – dont un
circuit sur silicium actuel est incapable.
Cela permet à la membranique d’être consubstantielle à
l’homéostasie du corps humain – ce qui est précisément son but,
puisque l’innervation sert à produire une sensation qui informe
sur l’état du corps.
À l’inverse, nos ordinateurs ne s’auto‑ réparent pas, et l’état de
leur silicium n’est pas consubstantiel à leur intégrité.
Il serait donc faux de dire que le fonctionnement nerveux repose
sur l’électronique. On pourrait éventuellement parler de techno‑
logie « ionique », bien plus puissante en termes de codage que
l’électronique. Le corps innervé n’étant pas vraiment métallique,
il n’échange pas des électrons mais des ions. Or, si un électron est
indiscernable d’un autre électron, un ion sodium n’a pas grand‑
chose de commun avec un ion calcium. L’entrée de l’un ou de
l’autre dans un neurone n’aura pas les mêmes conséquences, car
la vie a justement mis au point cette diversité pour en faire un
codage plus vaste. Ainsi, non seulement le corps innervé se sert
de signaux plus diversifiés et « flous » qu’un semi‑ conducteur au
fonctionnement binaire, mais contrairement à un circuit imprimé,
il utilise la nature même de ses porteurs de charge (sodium, potas‑
sium, calcium, magnésium…) pour encoder un signal, ce qui est
1. Les membranes neuronales n’échappent pas aux règles connues de l’électronique,
et on peut les représenter par un « circuit équivalent ». Mais ce n’est qu’une énorme
approximation, rudimentaire par rapport à la subtilité réelle d’une membrane. L’homme
ayant propension à faire rentrer le réel dans ses cases plutôt qu’à élargir ses cases à
la subtilité du réel, certains ont pu croire qu’une membrane se résumait à un circuit
équivalent. Cette hypothèse est utile pour simuler des assemblées de neurones in silico
mais elle n’est pas vraie.
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