Page 45 - Lux in Nocte 14
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du milieu scientifique, je peux vous garantir que des dangers de poste, pas d’étudiant, la « Pax Scientifica » possède
puissants guettent l’utilisation du processus scientifique, tel tous les pouvoirs, elle ne doit rien justifier à personne, elle
qu’il est mythifié aujourd’hui. L’humanité étant ce qu’elle est souveraine, intraitable et sans recours. Telle une religion,
est, il est très simple de faire taire un autre en utilisant, sans elle doit maintenir des « vérités » immuables, rétrogrades
rien y comprendre, l’argument scientifique : si un mécréant auxquelles personne ne croit plus bien entendu, mais tout
va contre, il mérite le bûcher comme au bon vieux temps. Il se passe bien tant que personne ne le dit : cette religion-là
suffit d’instrumentaliser le mécanisme scientifique dans sa n’a pas encore imaginé le confessionnal.
dimension symbolique et sociale pour faire dire absolument Coincé entre la puissance benoîte des médias et
n’importe quoi à n’importe qui, n’importe où et pour les l’omnipuissance distributive des organismes finançant
pires raisons. La caution scientifique a récupéré, au passage la recherche orthodoxe, cautionnée par une poignée
vers la laïcité, l’intolérance des pires intégrismes : on est d’intégristes, le chercheur doit jouer leurs jeux : tricher,
dedans ou on mérite l’enfer, le mépris, l’ignorance. Or, rien feinter, mentir, perde son âme pour garder sa foi. Ce que je
n’est plus humain que la démarche scientifique : Certains y croient pour les pires raisons.
il s’agit d’une aventure, avec ses doutes, ses
rebondissements, ses reculs, ses pièges et ses
erreurs.
Illusions de certitudes des médias
Le premier danger provient donc du déversement
passionnel de la foi de jadis dans une confiance
aveugle et élitiste. Je reste souvent cloué d’effroi
devant mon téléviseur lorsqu’une charmante
journaliste nous annonce d’un ton convaincu :
« Les scientifiques savent que… ». S’il y a bien
un monde où nous n’avons rien à faire c’est bien
celui des médias qui se sentent tenus de maintenir
un taux d’écoute rémunérateur en déversant de
telles illusions de certitudes, moralement loin en-
dessous des séries de Dallas. Le scientifique ne
sait rien, il cherche, il doute, il se tait en public et
n’échange qu’avec ses pairs, là où sa parole peut
être opportunément contredite. Partout ailleurs et
sur tous les autres sujets que sa discipline, il n’a
rien de plus ni de mieux à dire que tous les autres
citoyens.
Le deuxième danger est bien pire car plus
implacable : le statut de « scientifique » est attribué © Massimo Bortolini
via des canaux mercantiles dont les objectifs sont
loin des idéaux de la connaissance cristalline. Les
organismes de recherche engagent et subsidient
des travaux en fonction de « notes » distribuées à l’échelle vous dis là, tous les collègues le savent, peu vous le diront :
internationale selon les revues où ils sont publiés. Ces revues ils continueront à vous laisser croire à leur intégrité car c’est
elles-mêmes sont tenues par des lobbies financiers - on avec cette confiance là, dans cet aveuglement naïf qu’ils ont
paie pour y publier ! Elles sont naturellement tenues par une engagé leur destin : il serait très douloureux d’arracher les
poignée de collègues, toujours les mêmes par disciplines, lambeaux de leurs rêves, comme on se refuse à dénoncer
évidemment d’orientation « orthodoxes » et évidemment aux enfants, pleins d’émotion, la vérité sur Saint Nicolas et
anglophones. Comme ces réseaux sont mondiaux, le aux vieux pleins de tristesse, celle sur la vie éternelle et le
cercle est bouclé et l’ensemble de la « Science » y est Paradis terrestre. Si l’humanité souhaitait échapper à
ainsi soigneusement maîtrisée. Même les organismes l’émerveillement religieux, cyniquement récupéré par les
nationaux de Madagascar vont se fonder sur l’avis de deux producteurs de Science, il faudrait d’abord qu’elle renonce
ou trois « experts » plantés dans leur bureau de la NSF à à être elle-même, mais ce serait dommage… ]
Washington ! Ne cherchez pas par exemple, à trouver les
moyens pour se demander si, quelque fois, l’homme ne Marcel Otte
viendrait pas de Chine plutôt que d’Afrique, juste pour Professeur de préhistoire à l’Université de Liège
vérifier : pas un sou, pas une page, pas de réputation, pas
VRPPDLUH
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