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Les religions au Paléolithique supérieur






                  mais aussi dans le Magdalénien ; les femmes opu -       La « Vénus de Monpazier », Dordogne,
                  lentes, à travers toute l’Europe gravettienne ; les     Saint-Germain-en-Laye, musée d’Archéologie
                                                                          nationale. Cette statuette figure une femme
                  formes  schématiques  du  Magdalénien  récent,
                                                                          au moment de l’accouchement. © Jean Clottes
                  elles aussi à large diffusion et présentes tant
                  dans  l’art  pariétal  occidental  que  dans  l’art     proprement dit n’exclut pas celui exécuté à
                  mobilier. Pour toutes ces représentations, les          l’extérieur, soit dans des abris-sous-roche, soit
                  codes  plastiques,  extrêmement  rigoureux,            sur des rochers en plein air, voire dans les
                  l’emportent sur la réalité, à l’inverse des arts       abris construits avec des ossements, comme
                  animaliers contemporains caractérisés                 à Mézine (Ukraine), ou des dalles de pierres.
                  par une forte tendance naturaliste.                  L’art pariétal se diffuse sous des formes voisines
                  Les  statuettes  masculines  sont                    à très grande distance, de l’Aurignacien (Chauvet
                  plus  rares  et  surtout  limitées  aux                 en Ardèche, Coliboaia en Roumanie) au Tardi -
                  phases anciennes (Aurignacien et                          glaciaire (Kapovaia dans l’Oural).
                  Gravettien).  On  en  a  trouvé  des                       Dans  les  cavernes  et  leurs  abris,  les
                  exemples à Trou Magrite (Belgique),                        hommes du Paléolithique ont matérialisé
                  à  la  Geissenklösterle  (Jura  Souabe),  à                leur mythologie. Dans la mesure où l’art
                  Brno (Moravie). Celle en ivoire d’Hohlenstein-           pariétal résultait de pratiques qualifiées de
                  Stadel  (Jura  Souabe),  la  plus  remarquable,        religieuses,  il  ne  pouvait  en  être  autrement.
                  associe une tête féline à un corps humain et           Par la force des choses, toutes ces pratiques
                  préfigure dès cet âge ancien (34000 ans) les           se déroulent dans le cadre de croyances et de
                  nombreux témoins du chamanisme paléolithique.          récits  mythiques  transcrits  sous  différentes
                  Les  statuettes  animales  enfin  sont  fréquentes,    formes. Dans tous les cas de scènes compo  -
                  surtout aux phases anciennes, mais on les trouve      sites, les associations, comme les êtres figurés,
                  également  jusque  dans  le  Magdalénien  récent.     ne sont jamais naturalistes. Et même lorsque les
                  Le cortège d’animaux figurés est très proche de      images sont fondamentalement réalistes, elles
                  celui des arts pariétaux contemporains : ours, mam  -  résultent d’un style particulier, en constante évolution.
                  mouths, lions, chevaux.                         Par  ailleurs,  l’art  ne  correspond  pas  aux  animaux
                                                                  chas  sés mais aux êtres issus des mondes des rêves
                  Peinture et musique                             paléolithiques. Des constantes structurelles existent
                  Abondante et continue, la pratique de l’art pariétal  tout au long de ces trente millénaires : l’utilisation de
                  s’est surtout développée dans l’ouest du continent   grottes profondes, la prééminence visuelle des ani  -
                  où une véritable tradition artistique peut être suivie à  maux figurés, la rareté des humains et des scènes,
                  travers  toutes  les  périodes.  L’art  des  cavernes  l’abondance  des  signes  géométriques.  Des  chan  -
                                                                  gements se produisent aussi : durant l’Aurignacien, les
                                                                  thèmes les plus fréquents sont les animaux redou  -
                                                                  tables, pas ou peu chassés, tels les mammouths, les
                                                                  lions, les rhinocéros, les ours. Plus tard, les chevaux,
                                                                  les bisons, les aurochs, les bouquetins et les cervidés
                                                                  deviennent dominants, comme à Lascaux (Dordogne),
                                                                  à Niaux (Ariège) ou à Altamira (Espagne).
                                                                  Les images furent souvent créées en fonction des
                                                                  reliefs de la paroi, comme si ces derniers participaient
                                                                  au mythe, voire le suggéraient. C’est un élément essen  -
                                                                  tiel de l’art des cavernes. Il révèle le rapport que les
                                                                  hommes paléolithiques entretenaient avec ces roches
                                                                  mystérieuses où des formes animales apparaissaient.
                                                                  De nombreux signes abstraits complètent les images
                                                                  figurées dans des compositions structurées. André
                                                                  Leroi-Gourhan et Annette Laming-Emperaire ont été
                                                                  les premiers à systématiser de telles organisations.


                                                                  Vulve modelée dans l’argile du sol, grotte de Bédeilhac
                                                                  (Ardèche). Le clitoris a été matérialisé par un fragment
                                                                  de stalactite fistuleuse. © Jean Clottes



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