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DOSSIER
PRÉHISTOIRE DES RELIGIONS
Les religions au
Paléolithique supérieur
Les hommes du Paléolithique supérieur ont laissé de nombreuses traces de leur existence.
Parmi elles, celles relatives à des croyances de type religieux, métaphysique, ne sont pas
les moindres. À travers l’étude de vestiges sculptés ou peints et de sépultures, on peut
renouer avec un univers de la pensée chamanique qui n’est pas sans rapport avec celui
que les ethnologues étudient encore à l’époque contemporaine.
Marcel OTTE et Jean CLOTTES, conservateur général du patrimoine (honoraire)
En Europe, nous disposons pour le Paléolithique supé - civilisations successives présentaient des transitions
rieur de bien plus d’informations quant aux activités continues et dont les structures mythologiques pos -
religieuses que pour la période précédente, en raison sédaient une homogénéité autorisant leur approche
surtout de la prodigieuse expansion des arts sous globale. Cela peut s’expliquer s’agissant de nomades
toutes leurs formes qui se produit alors. Ceci ne signi - à vaste rayon d’action, aux déplacements ou contacts
fie en rien que de telles pratiques étaient absentes étendus sur des milliers de kilomètres (de l’Atlantique
auparavant, mais elles n’avaient pas laissé des traces à l’Oural au moins) et aux échanges fréquents, comme
aussi spectaculaires, abondantes et variées, ni surtout l’indiquent les origines variées des roches et des
aussi directement convaincantes. Il a même été pro - coquilles utilisées.
posé d’appeler l’Homme moderne Homo spiritualis Ces traces et vestiges appartiennent à plusieurs caté -
artifex (Jean Clottes, Pourquoi l’art préhistorique?). De gories, souvent liées dans la pratique, que nous allons
nombreux changements comportementaux apparais - envisager successivement.
sent avec lui, dans tous les domaines : techniques,
habitat, déplacements. La pensée religieuse n’est pas Les pendeloques
la moindre, au moins dans ses expressions matérielles. Elles expriment le statut du porteur, son rang, son clan,
Par ailleurs, les modes de vie alors menés en Europe des éléments de sa biographie. Elles témoignent des
permettent d’établir des comparaisons solides avec activités rituelles en cours. Leur usage apparaît en
des populations actuelles aux activités analogues sur Europe au Paléolithique supérieur sur un mode inten -
les plans économiques et techniques, mais pour les - sif, même si quelques exemples antérieurs ont été
quelles nous disposons d’informations et d’analyses signalés. Le plus souvent, elles étaient constituées de
structurelles profondes et très élaborées. vestiges animaux : dents ou coquilles perforées. Leur
D’après les traces et vestiges parvenus jusqu’à nous, découverte dans des sépultures ne laisse aucun doute
les modes de pensée métaphysique des sociétés quant à leur disposition : cousues sur les vêtements,
du Paléolithique supérieur paraissent relativement sur les bonnets, en bracelets, jam bières et colliers.
homogènes en dépit de l’immensité de la période (de Leur valeur sociale se trouve attestée aujourd’hui sur
40000 à 10 000 ans environ), comme si nous avions toute la terre, jusqu’aux détails près de l’espèce, des
affaire à une seule phase de l’histoire humaine dont les modes de perforation et de la position anatomique.
Ces premiers indices manifestent à la fois une
Chaman en transe déguisé en bison, grotte de Gabillou détermination symbolique et une individualité, et un
(Dordogne). Cette figure dotée de caractéristiques à la fois
humaines et animales a été gravée tout au fond d’une même rapport à la nature ainsi « socialisée », en
étroite galerie ornée. © Jean Clottes particulier par ses éléments les plus redoutables
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