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et blanche, ornant les étagères de la pièce. Par sa composition, ce tableau témoigne à
               lui seul d’un pan de la vogue du japonisme qui s’est ancré en Europe, au XIXe siècle.

                      Pendant que Frederick Richards Leyland retournait à Liverpool pour affaires,
               d’où  il  était  originaire,  Thomas  Jeckyll,  ayant  des  problèmes  de  santé,  cessa  de
               superviser  les  travaux.  C’est  James  McNeill  Whistler,  qui  travaillait  alors  sur  la
               conception d’un décor dédié au hall d’entrée de la maison du commanditaire, qui
               s’attacha à la finition du travail de Jeckyll au sein de la Peacock Room. Il ne tarda pas à
               souligner les contrastes de couleurs choisis par son homologue entre les tentures
               murales et son propre tableau, La Princesse du pays de la porcelaine : il soumit alors la
               proposition de rehausser les tentures de jaune et d’embellir les lambris d’un motif de
               vagues extrême-oriental en lien avec le décor de la porte en verre réalisé par Jeckyll,
               que le commanditaire accepta avant de repartir en voyage à Liverpool. Il ne s’arrêta
               toutefois pas à ces modifications et prit la liberté d’en réaliser bien d’autres, sans en
               informer Leyland. Il lui écrivit plus tard, lui promettant « une surprise » :

                      « Eh bien, vous savez, j'ai simplement continué à peindre. J'ai continué - sans dessin ni
               croquis - il a grandi au fur et à mesure que je peignais. Et vers la fin, j'ai atteint un tel point de
               perfection - en ajoutant chaque touche avec une telle liberté - que lorsque je suis arrivé au coin où
               j'avais commencé, j'ai dû en repeindre une partie, car la différence aurait été trop marquée. Et
               l'harmonie en bleu et or se développant, vous savez, j'ai tout oublié dans ma joie en elle. »

                      Lors de son retour à Londres, Leyland fut affligé de voir à quel point le décor
               de la Peacock Room avait été modifié. S’en suivit une violente querelle à ce sujet, en
               plus d’une nouvelle rémunération exigée de la part de Whistler pour son nouveau
               travail : plus de 2 000 guinées (environ 200 000 dollars aujourd'hui) que ce qui était
               prévu.

                      "Je  ne  pense  pas  que  vous  auriez  dû
               m'impliquer dans une dépense aussi importante sans
               m'en informer au préalable", a admonesté Leyland.

                      Le  commanditaire  accepta  finalement
               de n’en payer que la moitié. Whistler se permit
               de peindre un dernier élément de décor qui fit
               tout le scandale et la renommée de cette pièce :
               deux paons, d’où le nom de Peacock Room, sur
               le  mur  opposé  à  La  Princesse.  Les  paons
               demeurent  à  cette  époque  un  motif
               relativement  employé  dans  des  décors
               extrême-orientaux, très appréciés des amateurs
               du japonisme. Les oiseaux sont figurés face à face, sur un sol jonché de shillings
               d’argent. Ils semblent être sur le point de se battre : ici, il s’agit d’une personnification
               de  l’artiste  et  du  commanditaire,  intitulée  Art  and  money :  the  Story  of  the  Room.  Si
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