Page 56 - Le grimoire de Catherine
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brillantinés, parfumés. Les plus âgées n’hésitaient pas à demander un rinçage qui
teintait leur cheveux blancs en bleu voire en violet ! Tout cela avait un petit air de
magie… mais pourtant tout n’était pas aussi idyllique qu’il paraissait.
Les nuages s’amoncelaient, bien qu’elle n’en disait rien, son bel amour toussait de
plus en plus, son enfant était éloignée par souci sanitaire, ses parents semblaient se
désintéresser d’elle.
Un jour, le grand chamboulement arriva. Elle dû accepter de quitter tout cet univers
et de partir à la ville. Elle pleura, pleura et découvrit une autre vie. Une autre maison,
un autre salon, des clientes exigeantes.
Elle était bien seule, son mari qui lui avait dit : « Tu verras là-bas nous serons bien tu
n’auras plus un garde manger mais un frigo ! » se battait pour guérir de
l’inguérissable. Il était souvent à l’hôpital, sa fille dans un internat perdu dans la
campagne beauceronne.
Elle continuait à se taire, fière, elle offrait un sourire qui résistait à toutes les
situations. Elle se mit à regardait la télévision car celle-ci était arrivée en même temps
que le fameux frigo ! Ainsi elle observait les coiffures du moment arborées par les
présentatrices des programmes.
Elle essayait ensuite, avec plus ou moins de chance, de les reproduire sur ces clientes
figées dans leurs critères esthétiques ancestraux. « Faire court et propre ». Peu à peu,
elle réussit à s’établir une clientèle fidèle. Le salon put s’agrandit, elle eut même des
apprenties.
Puis un jour de neige, le froid se fit sibérien. Elle était devenue veuve. Avec sa fille,
elle ouvrit un coffret. Elles y déposèrent chacune leur cœur, leur chagrin était là, bien
à l’abri, pour toujours.
Elles décidèrent d’affronter obstacle après obstacle, avec le sourire, sans révéler leur
secret. La petite graine de vie qui leur restait, bien qu’anémiée finit se réveiller. Le
temps s’était radouci, après le germe, la timide feuille se déplia, puis arriva la fleur et
enfin le fruit.
Elle avait atteint le temps des douceurs. Elle avait des petits enfants et choisit de
s’appeler Grany, tout un programme ! Avec un tel « prénom » on devient, celle, qui ne
peut apporter qu’amour, présence et gâteries. Les cakes succédaient aux clafoutis,
sans oublier les tartes « personnalisées ».
En effet, ces fameuses pâtisseries, étaient réalisées à partir du souhait de chaque
enfant, l’une avait opté pour la pomme, l’autre pour la fraise. Comme elles étaient
appétissantes, pétries dans la tendresse, cuites dans son chaudron d’amour !
Enfin les arrière- petits enfants se succédèrent. Elle voulait continuer à donner,
donner mais le temps est assassin, ses forces s’amenuisaient, alors elle les entourait
de son regard apaisé, toujours protecteur.
Un jour de printemps, la discrète partit sans bruit. Comme l’a si bien dit le poète
« Bonheur, je ne t’ai reconnu qu’au bruit que tu fis en partant ».